Étiquetage nutritionnel simplifié

Les 5 couleurs verront-elles le jour ?

Publié le 14/09/2015
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Crédit photo : PHANIE

Simplifier l’étiquetage nutritionnel, c’est permettre aux consommateurs de faire un choix plus éclairé lors de leurs achats. Si tout le monde est convaincu de cet objectif, le système qui sera retenu à l’issue de la loi de santé fait débat. Soutenu par les experts, l’étiquetage à 5 couleurs (5C) est fondé sur un score de qualité nutritionnelle globale classifiant les aliments en fonction de leur teneur en éléments favorables ou défavorables du point de vue de la santé.

Pour le Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS), il existe plusieurs systèmes et ceux-ci n’ont pas été assez évalués en conditions réelles. « On doit pouvoir constater une inflexion des achats », explique Christian Babusiaux, son président, précisant que le Fonds « est prêt à piloter cette recherche interventionnelle. Au-delà de l’effet d’annonce, c’est la crédibilité de la parole publique qui est en jeu : comment le logo est-il perçu quand il se trouve immergé dans les univers publicitaires colorés des magasins ? Y a-t-il des différences socio-culturelles ou selon l’âge dans sa lecture ? Et, surtout, quel sera l’impact global sur l’alimentation des personnes, car il peut y avoir un effet de compensation avec d’autres produits non soumis aux logos ou dans d’autres magasins : autant de questions dont la réponse n’est pas établie aujourd’hui. » Outre le système 5C fondé sur la composition, d’autres prennent en compte la fréquence de consommation, comme celui développé par Carrefour, « certains pensent qu’il faudrait combiner des éléments des deux systèmes », indique-t-il.

Une mesure d’intérêt général, selon le Pr Hercberg

De son côté, le Pr Serge Hercberg (Université Paris 13, INSERM/INRA), considère qu’il s’agit là d’un moyen de repousser aux calendes grecques la mise en place d’une mesure d’intérêt général, rappelant que le Fonds est entièrement financé par les industriels de l’agro-alimentaire. « On a des bases scientifiques extrêmement solides, avec des travaux convergents qui suggèrent un impact sur les intentions d’achat. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) les a passés en revue (avis du 24/8/2015), indiquant même que le score qui sert de base au 5C est prédictif du surpoids, du syndrome métabolique et du risque de cancer. Dans Nutrinet, nous avons montré que ce système est le plus performant, y compris chez les individus à risque d’avoir une alimentation de moins bonne qualité nutritionnelle (âgés, à bas revenus, de faible niveau d’éducation, en surpoids). On n’est certes pas en population générale, mais c’est le cas de toutes les grandes études épidémiologiques, telles la fameuse Nurses Health Study.. », souligne-t-il. « Cela ne va pas révolutionner l’état de santé de la population, reconnaît-il encore. Mais c’est une mesure qui s’inscrit dans la politique nutritionnelle française, de façon cohérente avec les autres actions et messages, comme "mangez moins gras", "moins sucré", "moins salé". »

65 chartes déjà signées par les producteurs

De son côté, Christian Babusiaux rappelle qu’il y a déjà beaucoup d’instruments en place : « depuis 2007 par exemple, 65 chartes d’engagements nutritionnels ont été signées par des producteurs. Si l’on veut introduire un nouvel élément, il faut être sûr qu’il marche. »

C’est aussi ce que souligne le Pr Hercberg : « si les industriels et distributeurs s’opposent aujourd’hui à cette transparence, je reste convaincu que, une fois en place, ils s’intégreront dans ce système, comme ils ont su se saisir du PNNS malgré leurs réticences lors de sa mise en place en 2001. »

Une telle mesure ne prendra corps qu’avec son décret et l’arrêté préparé actuellement par la DGS, qui devrait préciser en outre la communication qui entourera le dispositif et envers quel public, sans oublier le poids important du facteur prix pour les publics les plus défavorisés.

Dr Charlotte Pommier

Source : Le Quotidien du Médecin: 9432