L'INITIATIVE de la Côte-d'Or a été suivie plus récemment par la Gironde et la Basse-Normandie. Il existe aussi un registre national des leucémies de l'enfant.
« Il faut rappeler que le premier registre spécialisé dans le monde a été, en 1976, le registre bourguignon des cancers digestifs créé par le Pr Jean Faivre en 1976. Il a été suivi en 1980 par notre RHEMCO », explique le Pr Paule-Marie Carli. A l'heure actuelle, on compte environ 200 registres de cancer dans le monde.
Le registre, qui, par définition, « recense tous les cas d'une pathologie donnée, dans une région donnée, pour améliorer les connaissances sur cette pathologie », couvre 500 000 habitants (un centième de la France), soit la moitié pour Dijon et le reste se partageant entre 70 % pour le secteur urbain et 30 % pour le rural, explique au « Quotidien » le Pr Paule-Marie Carli. Dans les hémopathies malignes, le diagnostic est donné dans 58 % des cas par les laboratoires de biologie (les leucémies) et dans 42 % des cas par les laboratoires d'anatomopathologie (les lymphomes). Les patients sont pour 50 % d'entre eux traités dans le service d'hématologie clinique du CHU (Dr Denis Caillot). « Très vite, on s'est rendu compte de l'intérêt du registre, qui a donné lieu à des travaux et des publications », explique celle qui en a été à l'origine.
D'abord, pour connaître l'incidence exacte des maladies du sang. « En quelques années, on a constaté que la leucémie lymphoïde chronique est quatre fois plus fréquente que la leucémie myéloïde chronique, ce qui n'avait pas été perçu jusque-là. Et il y a 50 % de cas en plus chez les hommes. »
La fréquence du lymphome a plus que doublé en vingt ans.
Le lymphome est l'hémopathie maligne la plus fréquente. En 1980, ce n'était pas le cas, car sa fréquence a plus que doublé en vingt ans, et « c'est le RHEMCO qui a été le premier à le montrer ». Ce qui a ensuite été corroboré par une étude européenne dirigée par le Pr Ray Cartwrighte. L'augmentation de l'incidence est constatée maintenant pratiquement partout dans le monde, sans qu'on connaisse les causes. Cela n'est pas une question de classifications, qui sont maintenant homogènes. Le VIH, qui multiplie le risque de lymphome cérébral de haut grade par 300, et celui de bas grade par 30, ne permet pas non plus d'expliquer cette augmentation.
« Nous avons fait des études pour les autres virus. Le VHC multiplie par 8 le risque de lymphome. Cela a été montré sur une cohorte dans une étude épidémiologique », indique le Pr Carli.
« En Côte-d'Or, nous avons une "agrégation" de registres. En croisant les données du registre des hépatites avec celles du RHEMCO, on a pu voir sur toute la cohorte des hépatites C une multiplication par huit du nombre des lymphomes. Le Dr Marc Maynadié, qui va me succéder, dirige le bras français d'une étude cas-témoins destinée à chercher les causes des lymphomes, intitulée EPILYMPH, qui a commencé en 2000, et dont les premiers résultats apparaissent. »
Ainsi, il existe une composante familiale. Quand une personne a un lymphome, le risque est trois fois plus grand chez les apparentés du premier degré.
« Nous avons joué un rôle d'alerte. Le registre RHEMCO, avec la collaboration du centre de pharmacovigilance (Mme Catherine Sgro) , le registre des tumeurs gynécologiques de Côte-d'Or et l'aide des statisticiens et des épidémiologistes du centre d'épidémiologie de population de la faculté de Dijon, a pu mettre en évidence que le risque pour la mitoxantrone dans le traitement adjuvant du cancer du sein d'induire une leucémie aiguë est de 65. Depuis 2000, le produit est contre-indiqué par l'Afssaps. »
Des comparaisons avec les autres pays montrent que, pour le lymphome, il existe un rapport de fréquence de 1 à 4. En Asie (Chine et Japon), il y a quatre fois moins de cas qu'aux Etats-Unis et en Australie. La France se situe au milieu.
Nous avons été les premiers à donner des résultats sur la survie des hémopathies malignes dans la population tout entière. La survie en moyenne est de 50 % à cinq ans, mais avec de grandes variations. Le chiffre est de 96 % pour les thrombocytémies essentielles et de 16 % pour les leucémies aiguës myéloïdes. La leucémie aiguë lymphoïde guérit actuellement dans l'immense majorité des cas chez l'enfant, mais les résultats sont moins bons chez l'adulte.
Leucémies aiguës de l'enfant.
« Avec le Pr Frida Alexander, nous avons fait une étude cas-témoins dans dix-sept pays européens sur les leucémies de l'enfant. Elle montre que 10 % des cas sont agrégés dans le temps et l'espace. Elle plaide en faveur d'une étiologie infectieuse et probablement virale des leucémies aiguës. »
Et Tchernobyl ? Le CIRC à Lyon a centralisé une étude dans vingt-trois pays européens (Dr Max Parkin). Elle montre qu'il n'y a pas d'incidence sur le nombre des leucémies, si ce n'est une augmentation faible mais significative des leucémies chez les enfants in utero au moment de l'accident.
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