DE NOTRE CORRESPONDANTE A NEW YORK
«TOUT COMME le séquençage du génome humain a préparé le terrain pour la recherche ultérieure en génétique, ces données établissent les fondations de décennies de recherche sur les cancers du côlon et du sein», déclare dans un communiqué le Dr Victor Velculescu, qui a codirigé l’effort de séquençage des gènes impliqués dans ces cancers avec les Drs Bert Vogelstein et Kenneth Kinzler, au sein du Johns Hopkins Kimmel Cancer Center à Baltimore.
«Nous sommes convaincus que ce type d’étude fournira l’une des meilleures cartes routières possibles pour vaincre le cancer», note pour sa part le Dr Kenneth Kinzler.
Il est maintenant admis que le cancer est une maladie génétique, causée par une accumulation séquentielle de mutations dans des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeur. Cependant, à ce jour, seule une fraction des gènes a été analysée et peu d’entre eux se sont montrés altérés dans les cancers.
Séquençage et bio-informatique.
«La mise au jour de la séquence du génome humain, jointe aux perfectionnements des approches de séquençage et de bio-informatique, a rendu possible, en principe, l’examen du génome de la cellule cancéreuse d’une manière complète et non biaisée», notent les chercheurs.
Pour commencer cette étude systématique du génome du cancer, l’équipe s’est intéressée aux deux tumeurs les plus fréquentes, celles du sein et du côlon, toutes deux responsables de 940 000 décès chaque année. Ils ont étudié 11 échantillons de cancer du sein et autant d’échantillons de cancer du côlon.
Afin de localiser les nucléotides altérés, les chercheurs ont comparé le code génétique de leurs échantillons tumoraux à celui de prélèvements normaux, en se concentrant sur le groupe des séquences codantes consensuelles, soit plus de 13 000 gènes, codant des protéines, ce qui représente en gros les deux tiers des gènes identifiés par le projet du génome humain.
Cette analyse révèle que les tumeurs individuellement accumulent une moyenne de 90 gènes mutants, parmi lesquels un sous-groupe de 15 à 20 gènes mutants contribue au processus néoplasique.
En utilisant des critères stricts pour définir ce sous-groupe, ils ont identifié près de 200 gènes (moyenne de 11 par tumeur) qui sont mutés à une fréquence significative. Pour la plupart de ces gènes, on ignorait qu’ils étaient altérés dans les tumeurs. Leur séquence prédit qu’ils touchent une vaste gamme de fonctions, y compris la transcription, l’adhésion et l’invasion.
«Nous nous attendions à trouver une poignée de gènes mutants, mais pas deux cents», reconnaît le Dr Tobias Sjoblom, premier signataire du travail.
Enfin, un troisième point émerge de l’étude. Les gènes mutés dans les cancers du sein et du côlon sont presque complètement distincts, ce qui suggère des voies très différentes pour l’apparition de chacun de ces cancers.
«Cela nous permet de comprendre pourquoi les cancers du sein et du côlon, et très probablement les autres cancers aussi, sont des maladies très différentes et se développent à travers des processus différents, observe Kinzler. Les chercheurs vont étudier comment ces mutations surviennent dans les cancers du côlon et du sein, en cherchant peut-être des agents environnementaux ou des processus cellulaires qui gouvernent ces changements.»
De nouvelles voies pour la recherche.
«Ces données définissent le paysage génétique de deux types de cancers humains. Elles fournissent de nouvelles cibles pour le diagnostic et des interventions thérapeutiques. Elles ouvrent, enfin, de nouvelles voies fécondes pour la recherche fondamentale en biologie tumorale», concluent les chercheurs.
«La connaissance des gènes importants dans le cancer pourrait permettre la mise au point de méthodes de détection précoce reposant sur l’identification des gènes mutés dans des prélèvements sanguins et des prélèvements de selles, précise au “Quotidien” le Dr Tobias Sjoblom. Certains des gènes mutés pourraient être aussi d’excellentes cibles pour le développement pharmacologique.»
«Nous poursuivrons notre recherche des gènes mutés dans ces cancers et d’autres, poursuit-il. Nous tenterons aussi de préciser à quel stade tumoral chacun de ces deux cents gènes deviennent mutés. Nous étudierons également si ces gènes mutants que nous avons trouvés sont des acteurs importants dans d’autres formes de cancer humain. »
D’autres cancers peuvent dorénavant être évalués en utilisant l’approche adoptée par l’équipe de Johns Hopkins.
« Sciencexpress », 7 septembre 2006, Sjoblom et coll.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature