I L aura suffi d'un froncement de sourcils de George W. Bush pour que les forces israéliennes, entrées à Gaza « pour y rester », s'en retirent. Les journaux israéliens, une partie du gouvernement (les ministres qui n'ont pas été informés de l'opération), une partie de l'opinion n'ont pas manqué de souligner l'échec diplomatique, politique et militaire de ce coup de force.
Ariel Sharon aura donc été victime de son impétuosité légendaire. Il ne s'est pas donné le temps de la réflexion, il n'a d'autre programme politique que la riposte au coup par coup et la surenchère dans la violence. Peut-on se permettre d'ajouter, sur ce point, qu'il ne fait que confirmer un comportement parfaitement prévisible ? Et que ceux qui ont tout fait pour qu'il parvienne au pouvoir, notamment Yasser Arafat, ne sauraient être surpris de ce que le Premier ministre israélien, récemment élu, réponde à l'agression par la force ? Que le président syrien, Bachar el-Assad, qui tente chaque jour de se montrer encore plus intransigeant que son père, et dont la politique israélienne se résume à un torrent d'injures, ne doit pas s'étonner de ce que M. Sharon bombarde ses bases militaires au Liban, pays sous le joug syrien ?
Mais la folie ou la démesure des uns ne justifie pas celle des autres. Certes, le mot intifada est désormais bien faible pour décrire l'attitude des Palestiniens ; il ne s'agit plus de jeter des pierres ; il ne s'agit plus de lutte pour un territoire ou une indépendance ; il s'agit d'une guerre, avec unités de choc, armes et mortiers. Il s'agit d'obtenir par le feu ce qui n'a pu être obtenu par la négociation. Comme les pourparlers de paix étaient parvenus au point où les Palestiniens pouvaient disposer de la quasi-totalité de la Cisjordanie et de Gaza et d'un quartier de Jérusalem, les armes, en bonne logique, sont censées apporter plus. Quoi ? Tout Jérusalem ? La liquidation des colons ? La disparition d'Israël ?
Le retour de la politique
Comme le soulignent quelques membres du Likoud, Israël, sans ignorer la réalité du danger, doit opposer une politique au déchaînement de la violence. Une politique dont M. Sharon, à l'heure qu'il est, ne semble pas avoir élaboré les premiers éléments. Le Premier ministre semble plutôt trouver dans le conflit la justification de ses idées les plus anciennes, selon lesquelles la colonisation doit se poursuivre, la Palestine est en Jordanie et, ce qui est peut-être moins faux, Israël n'a pas terminé sa guerre d'indépendance.
Mais lorsqu'il suffit que les Etats-Unis disent non pour que l'armée israélienne retourne sur ses bases, M. Sharon mesure l'inanité de ses propres concepts. Il faut avoir les moyens de faire ce que l'on promet. Il ne les a pas. Il ferait donc mieux de se tourner vers ceux de ses ministres qui demandent la mise au point d'un plan politique et diplomatique, au lieu de laisser ses porte-parole accuser les généraux israéliens d'avoir outrepassé les consignes, ce qui est pur mensonge, et pure lâcheté au moment où Israël a assez besoin de ses généraux pour ne pas en faire des boucs émissaires.
Une page tournée
Encore une fois, tout cela était prévisible. On savait que M. Sharon n'était pas un tendre ; on savait que la crise l'amènerait au pouvoir et que le savant entretien de la même crise par les provocations palestiniennes le conduirait à redoubler les coups ; M. Arafat aussi a besoin de concevoir une autre politique que celle des obus. En vérité, aussi pénible que soit cette crise sanglante, douloureuse, affreusement anachronique, absurde, inutile et contre-performante, elle a tourné une page. Les Palestiniens ne peuvent gagner ni la guerre ni une seule bataille, ils se trompent lourdement lorsqu'ils tentent d'attirer dans la nasse les autres pays arabes qui ne leur ont jamais fait de cadeau et ont soigneusement entretenu leurs souffrances pendant un demi-sècle. M. Arafat est disqualifié par ses erreurs, tout comme M. Sharon qui, venu du passé, retourne déjà au passé et devra, tôt ou tard, soit faire la politique de son prédécesseur, qui n'était pas la plus mauvaise, soit abandonner le pouvoir, et vite.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature