Homme bionique, homme communicant, homme artificiel, homme moléculaire... L'exposition « L'homme transformé », par la diversité des thèmes qu'elle aborde, a toutes les chances de ne pas passer inaperçue. D'abord parce que chaque visiteur, à la fois objet et sujet de la révolution biologique, se sent interpellé par les scénarios futuristes qui lui sont présentés. Ensuite parce que l'approche émotionnelle, tactile et organique de l'exposition la rend attrayante, y compris pour le grand public.
De l'extérieur, le lieu de l'exposition, une vaste sphère mystérieuse, intrigue. Une fois le sas d'entrée franchi, le visiteur peut explorer diverses alvéoles séparées par un jeu de membranes, chacune étant consacrée à un thème précis.
Le vivant simulé par l'informatique
« L'homme pénètre au sein d'un organisme technologique, explique au « Quotidien » la directrice de l'exposition, Françoise Thomas. A travers la rencontre entre le vivant et la technologie, on assiste à un spectacle où se mêlent connaissances scientifiques, imaginaire et mythologie. » Chacun peut expérimenter des réalisations de vie artificielle, de robotique. Ou bien découvrir des prothèses médicales révolutionnaires, ou encore les vêtements high-tech qui habilleront l'homme de demain.
L'alvéole consacrée à « l'homme artificiel » explique comment l'informatique décompose le vivant. En essayant de simuler le mouvement, par exemple. Dès le XIXe siècle, l'homme a su créer des automates mécaniques. Mais leurs déplacements se bornaient à suivre un tracé précis, préprogrammé par l'homme. Aujourd'hui, place aux robots doués d'initiative. « Les chercheurs tentent de mettre au point des machines autonomes, capables d'apprendre et de s'adapter, explique Françoise Thomas. Pour cela, ils utilisent des outils informatiques inspirés du vivant, comme les algorithmes génétiques ou bien les réseaux neuronaux. » Le visiteur peut découvrir ces robots-insectes ou robots-serpents capables d'éviter les obstacles en marchant. Peut-être des animaux de compagnie d'un genre nouveau. Ou les futurs sauveurs de l'humanité, capables d'explorer des milieux ravagés par un séisme ou une explosion nucléaire, sans faire courir de risques à leur maîtres.
Outre le mouvement, l'intelligence est également simulée par ordinateur. Le groupe SONY expose notamment deux créatures virtuelles qui, en échangeant des bribes de conversations, améliorent petit à petit leur langage. A terme, l'objectif de l'expérience est de comprendre la naissance et la mort des langues. Et de pouvoir réaliser des machines autonomes capables d'apprendre toutes les langues de la planète. Déjà des robots capables d'émotions ont vu le jour. Prochaine étape : la communication homme-robot. A quand l'humanoïde multifonctions, à la fois homme de ménage, cuistot et baby-sitter ? « Pas avant plusieurs décennies, estime Françoise Thomas. La difficulté à reproduire la bipédie prouve à quel point il est difficile d'imiter la complexité du vivant. »
Les nanomondes explorés par les biopuces
La médecine devrait amplement profiter des progrès technologiques en cours. C'est ce que propose de découvrir l'alvéole consacrée à « l'homme biotique », la fusion de la bionique et des nanotechnologies. L'exposition montre comment l'homme explore les nanomondes depuis la création des biopuces. La dernière génération en date, les biopuces en verre, est utile notamment pour identifier des populations entières de bactéries résistantes. Ces biopuces permettent aussi de mieux comprendre les processus de cancérisation en mettant en évidence l'influence des rayons ionisants sur les cellules de la peau.
Les scientifiques planchent sur un prototype de biopuce encore plus performant, les labopuces. « Elles réaliseront toutes les étapes de l'analyse moléculaire, y compris l'extraction de l'ADN, expose Françoise Vallas, chargée de projet. Il suffira de déposer quelques cellules dans un puits précis, et tout se réalisera ensuite en interne. » Le diagnostic sera immédiat ; cela permettra d'adapter les traitements en fonction du génome des patients. De vastes études épidémiologiques pourront aussi être entreprises.
Après la magie de l'infiniment petit, le visiteur découvre les miracles de l'homme bionique. Prothèses métalliques et organes artificiels en tout genre se succèdent, et donnent à réfléchir. C'est le cas de ce minuscule pancréas gris qui, une fois implanté sous la peau des diabétiques, régule la glycémie, et les libère des contraintes des injections quotidiennes. Jambe artificielle, bras ou main myoélectrique se côtoient et donnent à espérer aux amputés. Les handicapés peuvent aussi rêver d'un retour prochain à la motricité grâce à toutes sortes de stimulateurs, pour la plupart en phase de test. Une vidéo montre comment un parkinsonien retrouve un comportement normal grâce à l'implantation dans son thalamus d'électrodes reliées à un stimulateur inséré sous sa clavicule. On peut aller encore plus loin en matière d'inventions révolutionnaires. « La bionique du futur, c'est par exemple ce bonnet à électrodes, déclare Nora Reddani, chargée de projet. Une fois posé sur le crâne, il décrypte les pensées du patient tétraplégique, et lui permet de réaliser une action jusqu'à présent impossible, comme fermer la main. » A l'étude aux Etats-Unis, ce bonnet est encore loin de fournir des résultats probants. Les dérives ne sont donc pas pour demain. Qu'on se rassure, l'homme n'est pas prêt de lire dans les pensées de son voisin.
Vêtements communicants
En plus de ces implants, l'homme du futur pourra se parer d'explants qui prolongeront son corps. Toute une panoplie de vêtements communicants est exposée, comme l'écharpe avec téléphone et ordinateur intégrés, ou encore le gilet qui relie à distance le patient à son médecin. Il fournit en continu des données comme la glycémie ou la fréquence cardiaque. Le diagnostic et la prescription peuvent être réalisés dans l'urgence. Reste à savoir si les praticiens accepteront de se retrouver ainsi ficelés à leurs patients.
Autre gadget qui ne manquera pas d'amuser tous ceux qui s'ennuient au bureau ou dans le métro : les lunettes connectées à Internet, permettant de surfer ni vu ni connu. Cette démultiplication des accessoires et cette assistance à l'extrême sont-elles souhaitables ? On peut craindre que le foisonnement des contacts virtuels entre les individus ne fasse que les isoler un peu plus. Le corps va-t-il devenir obsolète ? Pour s'en faire une idée, il reste quatorze mois pour visiter l'exposition.
Cité des sciences, du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures (fermée les 25 décembre et 1er janvier). Internet : www.cite-sciences.fr
Les défis du vivant
L'exposition « l'Homme transformé » inaugure le programme pluriannuel « les Défis du vivant », consacré par la Cité des sciences aux enjeux de la biologie et des biotechnologies, réalisé en partenariat avec le ministère de la Santé, le CNRS, l'INSERM, l'institut Pasteur, l'AP-HP, l'INRA, L'Etablissement français des greffes, le Génopôle d'Evry, le CEA et la Fondation pour la recherche médicale. Deux autres expositions sont prévues : « l'Homme et les gènes » (avril 2002), conçue par le Pr Axel Kahn ; et « le Cerveau intime » (octobre 2002), conçue par le Pr Marc Jeannerod, directeur de l'Institut des sciences cognitives. De nombreuses animations, des colloques et des spectacles accompagnent ce cycle. La Cité des sciences doit par ailleurs ouvrir en décembre un nouveau lieu d'information du public, la Cité de la santé, animé par une équipe de la Médiathèque et par des professionnels de santé.
Un livre pour comprendre la révolution génétique
A l'occasion du Téléthon, les 7 et 8 décembre, Nathan s'est associé à la Cité des sciences, l'INSERM, l'Institut Curie et l'AFM (Association française contre les myopathies) pour éditer un livre, « la Génétique humaine et vous », qui expose les avancées de la recherche génétique depuis 15 ans. Rédigé par Odile Robert, journaliste scientifique, l'ouvrage présente des textes clairs, vivants et des témoignages de grands chercheurs tels que Axel Kahn ou Alain Fischer. Le tout est illustré par des images d'une grande qualité.
Quel avenir pour la thérapie génique ? Quels enjeux pour les biotechnologies dans le domaine de la santé ? Comment éviter les dérives des tests génétiques ? Au travers de tels débats, les médecins et les scientifiques y trouveront également leur compte. Les bénéfices tirés de la vente seront reversés à l'AFM.
Avec ce livre, dont il a eu l'idée, Joël de Rosnay, directeur de la prospective de la Cité des sciences, souhaite « mettre à la disposition d'un large public les progrès foudroyants de la génétique et des biotechnologies et les questions éthiques qui s'ensuivent ».
Nathan, 96 pages, 100 F (10 F ou 1,52 euro par livre reversés à l'AFM).
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