C + 1= 21 EUROS. Le directeur général de l’assurance-maladie et les trois syndicats signataires de la convention vont s’efforcer de résoudre cet après-midi cette équation toute simple et pourtant si pleine d’inconnues pour leurs relations à venir (« le Quotidien » du 6 février).
Une fois de plus, la septième séance de négociation conventionnelle devrait se concentrer sur la question de la revalorisation de 1 euro de la consultation généraliste, revendiquée à court terme par les syndicats Csmf, SML et Alliance, afin d’obtenir un alignement progressif du C sur le CS à 23 euros à l’horizon 2007.
Le directeur général de l’Uncam (Union nationale des caisses d’assurance-maladie) s’est déjà déclaré favorable à l’application des deux mesures tarifaires prévues par la convention de 2005 : augmentation de 1 euro des consultations spécialisées coordonnées et majoration de 3 euros des consultations généralistes destinées aux enfants de 2 à 6 ans. Le principe de mesures compensatoires pour les spécialistes pénalisés par les nouveaux parcours de soins semble de même acquis.
Décalage.
Sollicité par « le Quotidien », Frédéric van Roekeghem n’a pas souhaité s’exprimer avant la séance décisive d’aujourd’hui.
Le 1er février, il a précisé à ses interlocuteurs qu’il pourra «envisager» une hausse du C «lorsque (l’Uncam) aura pu constater que les résultats de la maîtrise médicalisée pour l’année 2006 auront été fructueux». Ce calendrier est en décalage total avec les revendications des syndicats médicaux qui visent des revalorisations tarifaires substantielles à court terme, surtout avant les élections professionnelles attendues à la fin mai.
S’il y a compromis dans les prochaines heures, il ne devrait pas reposer sur la base d’un C augmenté de 50 ou 75 centimes d’euro, au lieu de 1 euro hautement symbolique. La Csmf, tempête son chef Michel Chassang, «ne demande pas une aumône, mais une revalorisation d’acte!». Un euro supplémentaire sur le C coûterait à la Sécu, selon les syndicats, «240millions d’euros en année pleine, effets secondaires compris», c’est-à-dire en incluant la répercussion de la hausse de la consultation généraliste sur le C2 des spécialistes consultants et les cotisations de la retraite ASV des médecins de secteur I (prises en charge aux deux tiers par les caisses). Chaque mois gagné par Frédéric van Roekeghem sur la date d’entrée en vigueur éventuelle de cette mesure fait donc économiser 20 millions d’euros à l’Uncam. Cela peut donner du grain à moudre aux négociateurs en quête d’un compromis...
Il reste que le vrai enjeu de la négociation qui va s’ouvrir n’est pas financier, répètent à l’envi les leaders syndicaux, dès lors que cette mesure phare est aisément financée, selon eux, par l’Ondam des soins de ville (fixé à + 3,2 % pour 2006, hors produits de santé) et les économies réalisables en matière de maîtrise médicalisée. «Le problème n’est pas économique, mais sociétal et politique», souligne le président du SML.
Marchand de tapis.
En cas de blocage, le Dr Dino Cabrera espère «un arbitrage politique» pendant cette «négociation de marchand de tapis» qui s’annonce comme «la plus tendue qu’(il) ait connue en vingt-cinq ans de syndicalisme». A la Confédération, le Dr Chassang «attend que (le ministre de la Santé) Xavier Bertrand et Frédéric van Roekeghem respectent leurs engagements, sinon il y aura rupture unilatérale de la confiance». «Le sujet (de la négociation) est: est-ce qu’ils veulent un système conventionnel ou pas?», résume le président de la Csmf. Ce syndicat a d’ailleurs déclenché un «compte à rebours» il y a dix jours avant d’appeler les médecins libéraux à une guerre tarifaire en cas de non-accord. A l’instar du Dr Chassang, le Dr Cabrera ne brandit pas la menace d’une sortie de la convention. Mais il prévient qu’un échec des discussions ferait prendre «un sérieux coup au contrat conventionnel». En outre, le leader du SML «déclinera toute responsabilité si les objectifs de maîtrise médicalisée ne sont plus respectés». Son syndicat a déjà fait part de son plan de «ripostes graduées» incluant le non-respect des règles de l’ALD et le recours au DE «au-delà de 35-39heures de travail»... Mais le Dr Cabrera reconnaît qu’ «un conflit n’apporterait rien d’immédiat. Il faut que le directeur de l’Uncam, le gouvernement et les médecins sortent de ce guêpier afin de ne pas remettre en cause la logique qui a mené à la réforme et à la convention».
A Alliance, le Dr Félix Benouaich précise aussi que «la sortie de la convention n’est pas à l’ordre du jour», même si le texte conventionnel risque d’être «mis en veilleuse» en cas de rupture, tout comme les «consignes de modération». Toute «cassure» doit être «récupérée» un jour, prévient le Dr Benouaich.
Placidité.
Quant aux opposants de la convention, MG-France et la Fédération des médecins de France (FMF), ils observent «les gesticulations» des protagonistes avec une certaine placidité. Pour le président de MG-France, la négociation relève du «jeu de rôle convenu sur le mode du “Retenez-moi, ou je fais un malheur!”». Le Dr Pierre Costes «n’attend rien» de la négociation, «puisque la convention n’est pas faite pour les médecins généralistes». Selon le Dr Costes, le dénouement est, par conséquent, écrit d’avance, avec, à la clé, «une augmentation de 1euro de la consultation spécialisée et une revalorisation du C remise à plus tard». Le seul rendez-vous qui compte aux yeux du président de MG-France, ce sont les élections aux Urml (unions régionales de médecins libéraux). «A ce moment-là, je souhaite qu’on puisse se retrouver dans une confrontation avec l’assurance-maladie grâce à la volonté des professionnels de changer tout ça», explique-t-il.
Le leader de la FMF considère l’alignement du C sur le CS en 2007 comme «une revendication plus que légitime». Pour autant, le Dr Jean-Claude Régi rappelle que le «psychodrame» conventionnel met en scène beaucoup de comédiens. En cas de désaccord, «la Csmf quittera la convention pendant très peu de temps et reviendra une fois que les élections aux unions seront passées», pronostique-t-il. Frédéric van Roekeghem et le gouvernement (qui l’a nommé) «jouent au jeu subtil du “c’est pas moi, c’est lui!”, alors qu’ils ne sont pas en opposition et partagent les mêmes objectifs». «Au milieu, les médecins font un peu figure de dindons de la farce», conclut le président de la FMF.
Quoi qu’il en soit, le suspense reste entier, alors que le « théâtre » des négociations conventionnelles rouvrira vers 14 h 30.
Les principaux acteurs, qui se sont vus mercredi soir au ministère à l’occasion d’une réunion consacrée au secteur optionnel, assurent qu’il n’y aura pas d’autre représentation sur le même thème. «C’est ”la dernière” pour moi, d’où le compte à rebours lancé par la Csmf», déclare Michel Chassang. «Il faut qu’on en sorte, sinon on n’est plus crédibles, confirme Dino Cabrera. On approche de l’heure de vérité.» En attendant, il faudra certainement patienter au moins jusqu’à demain matin pour savoir si les partenaires conventionnels prennent acte d’un accord ou d’un échec.
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