LA GRÈVE D'HIER était plus politique que sociale. Il s'agissait de lancer un avertissement au gouvernement pour qu'il renonce à l'orientation libérale de son programme. Pourtant, beaucoup des dispositions adoptées en moins de quatre mois par le gouvernement Villepin sont d'inspiration sociale. D'autres mesures, qui sont pilotées par Jean-Louis Borloo, remontent au gouvernement Raffarin et ne sont rien d'autre qu'une dépense d'Etat voulue par l'Etat pour améliorer l'accès au logement. Toujours dynamique, le ministre de la Cohésion sociale, décrit, dans un entretien avec « le Point », ses multiples efforts, avec une force de conviction qui finit par impressionner. On ne peut donc pas dire que la droite n'a pas mis, depuis longtemps, une pincée de social dans ses idées libérales.
Un choc violent.
Entre majorité et opposition, droite et gauche, pouvoir et syndicats, le choc est violent. Bien que Dominique de Villepin ait tenu compte du mécontentement populaire et que sa politique s'écarte largement de celle de son prédécesseur, les syndicats demandent plus. Tandis que la droite veut aménager les effets de la mondialisation, la gauche espère la repousser hors de nos frontières, ce qui est illusoire, bien sûr, et correspond même au réflexe de l'autruche. En témoignent les contributions au prochain congrès du Parti socialiste : une seule, celle de Jean-Marie Bockel, propose une réforme et reconnaît le libéralisme comme une force avec laquelle il faut compter. Les autres proposent toutes de taxer davantage le travail et le capital et de dépenser les recettes nouvelles dans de nouveaux programmes sociaux. Certains leaders socialistes n'hésitent pas à parler d'une semaine de 32 heures. D'ailleurs, au PS, on continue à présenter la RTT comme une avancée nationale historique, sans se demander si la persistance d'un taux de chômage élevé n'est pas le pur produit de la semaine de 35 heures. Qu'un parti appelé à prendre le pouvoir bientôt ou plus tard puisse se leurrer et leurrer ses adhérents de cette manière est dangereux.
Il n'y a pas, en vérité, d'autre parade à certains effets négatifs de la mondialisation (elle produit aussi des effets positifs, même en France) qu'une hausse de la compétitivité de notre appareil de production. Une taxation forcenée (puisque, déjà supérieure à 50 % de notre produit national brut, elle serait augmentée par les socialistes), un développement de l'assistanat, le découragement par l'impôt des familles à revenus élevés, la destruction de la volonté d'entreprendre sont inscrits noir sur blanc dans les contributions au congrès du PS au Mans, comme si le « non » à l'Europe, le succès personnel, mais peut-être éphémère de Laurent Fabius, le regroupement de l'extrême-gauche, les menées du NPS (Nouveau Parti socialiste) avaient conduit les dirigeants socialistes à gauchiser leur pensée.
Ajoutée aux divisions du parti, ce virage idéologique va rapidement constituer un frein à la reconquête du pouvoir par les socialistes qui risquent, s'ils ne corrigent pas la trajectoire avant leur congrès, d'apparaître comme les adeptes d'un extrémisme archaïque.
LA GAUCHE NE BASCULE DANS L'EXCÈS QUE PARCE QUE L'ENTREPRISE A RENONCÉ À SON ROLE SOCIAL
Le « risque » de réussir.
Dans ce contexte, la position de Dominique de Villepin n'est pas du tout désespérée. Juste avant l'affaire de la Sncm, qui aura quelque peu affaibli sa popularité, il avait surpris, marqué des points, travaillé vite. De sorte que Nicolas Sarkozy est aujourd'hui sur la défensive et que l'opposition craint vaguement un Premier ministre actif et déterminé qui « risque » d'obtenir de bons résultats dans les 19 mois qui nous séparent des élections générales. Un exemple : gauche et syndicats peuvent répéter à l'envi que la baisse du chômage est un trompe-l'œil statistique et un effet des radiations de demandeurs d'emploi ; mais le taux de chômage baisse sensiblement chaque mois et si la tendance se poursuit pendant encore un an et demi, peut-être que les Français prendront au sérieux le gouvernement actuel.
La grève nationale d'hier n'avait pas d'autre objectif que de démolir la digue que Dominique de Villepin tente de dresser contre la vague du mécontentement. Le conflit à la Sncm peut dégénérer en une crise corse particulièrement aiguë. La lassitude des Français n'est pas négligeable et il est vrai que le capitalisme avare, cynique et méprisant pour les salariés donne de lui-même, en France, une image fort peu brillante. L'affaire Hewlett-Packard (HP) en témoigne : des licenciements qui n'avaient aucune raison économique ; la colère des victimes, mais aussi de l'Etat ; le sentiment, chez HP, qu'on est allé trop loin et la promesse de la direction de réduire le nombre des licenciements en France.
Créer des emplois devrait être une fierté.
La gauche ne bascule vers le gauchisme que parce que l'entreprise, nationale ou multinationale, a renoncé à son rôle social. Ce sont surtout les patrons de PME qui se battent pour leurs salariés et sont fiers de créer des emplois. Les grandes entreprises sont fières de créer de la richesse et de verser des dividendes à leurs actionnaires. Si on veut calmer les débordements souvent irritants des syndicats de travailleurs, il faut impérativement que les entreprises offrent un avenir à leur salarié. Au fond, rien n'a vraiment changé : il n'y a de bonheur que dans la prospérité et ce n'est pas en désespérant Boulogne-Billancourt qu'on sauvera la paix sociale.
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