Arts
Dans un de ses plus beaux textes, « le Rivage des Syrtes », Julien Gracq décrit un pays imaginaire qui ressemble à s'y méprendre à l'Afghanistan. Un pays qui, du fait de sa situation géographique, a vu, depuis ses plus lointaines origines, les hordes venues de l'Est et de l'Ouest, se fracasser sur ses montagnes, s'affronter dans ses vallées, et déposer, de siècle en siècle, ces sédiments de civilisation façonnant un art qui trouve peu à peu son autonomie, sa singularité, et brille de tous ses feux.
Le vandalisme dont furent victimes les statues religieuses de la part des Taliban, il y a quelques mois, a attiré l'attention du monde sur un conflit qui ravage le pays. On n'aime guère ceux qui abattent les statues. Pourtant, toute guerre tribale, tout conflit où intervient la part religieuse, met l'art en péril. En détruisant les monuments, en effaçant les symboles, on écrase une civilisation, on tue moralement les hommes qui la partagent. Aussi l'exposition du musée Guimet a-telle le mérite de s'inscrire dans un vaste programme de manifestations ayant pour but d'éveiller l'attention du public, de le motiver, de l'alerter. C'est l'art au secours des hommes.
L'âme d'un pays
L'histoire de l'Afghanistan a des allures d'épopée. Sur son territoire passent les grands conquérants : Alexandre, Genghis Kahn, Tamerlan ; et des courants esthétiques s'y fondent comme en témoigne entre autres l'étonnante rencontre entre l'art hellénistique et l'art indou, ou encore l'empreinte fécondante de l'art islamique.
Les grands voyageurs se sont extasiés sur la découverte d'un pays secret, d'accès difficile, et fermé sur lui-même, sur ses trésors, ses coutumes, son âme inquiète et fantasque. De Marco Polo à André Malraux nombreux sont les témoignages singuliers, comme si le pays lui-même insufflait un esprit « d'ailleurs », une dimension insolite au quotidien.
Dans son principe même, et obéissant à une tradition muséographique, l'exposition a un caractère savant, elle permet une analyse esthétique et historique de cette civilisation qui perdure courageusement, en dépit des épreuves. On peut la voir sous cet angle, ce qui, vu le cas particulier ici évoqué, trahirait probablement sa vocation. Celle de donner une âme à un pays que l'Occident situe mal sur la carte et a longtemps négligé.
Il faut voir l'exposition non comme un étalage savant, une lecture scientifique des trésors archéologiques qui y sont assemblés, mais se laisser porter par l'étrange poésie qui s'en dégage et parle des frissons de tout un peuple secoué par tant de passions, de cruautés.
Il faut se glisser dans le regard de ceux qui savent le mieux voir l'art : les poètes. Gracq, cité en exemple, est un guide, on peut en découvrir d'autres.
Afghanistan une histoire millénaire, musée Guimet, (métro Iéna, Boissière, Pont de l'Alma). Tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 18 h. Prix d'entrée exposition seule 5,5 [219], exposition + musée 7 [219].
Un catalogue qui aide à mieux déchiffrer une production artistique intimement liée à l'histoire du pays et de composition fort complexe, édité par la RMN. Jusqu'au 27 mai.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature