DES CHERCHEURS (Christophe Bernard et coll.*) ont tenté de traiter les neurones altérés du modèle de rat épileptique avec une drogue qui agit sur les canaux ioniques (U0126) et montré un rétablissement du fonctionnement défectueux. « Ces résultats ouvrent une voie thérapeutique dans l'épilepsie du lobe temporal. En effet, il est envisageable de développer un médicament qui aurait la même cible finale que le U0126, mais qui pourrait agir de manière spécifique sur les canaux K+ des neurones », estiment les auteurs.
Ces résultats constituent par ailleurs « la première démonstration d'une canalopathie acquise dans une maladie du système nerveux central », en montrant dans l'ELT un défaut portant sur le contrôle du potentiel d'action dépendant des canaux potassium. On connaissait jusque-là l'existence de canalopathies innées d'origine génétique. Des éléments indiquent que le fonctionnement du canal peut avoir été modifié pendant le cours de la maladie.
Pour comprendre la démarche des chercheurs, il faut se rappeler que les canaux ioniques sont des protéines présentes au niveau des membranes cellulaires. En favorisant le passage sélectif de certains ions, ils génèrent un courant positif ou négatif.
La propagation du potentiel d'action.
Les canaux potassium ne laissent passer que les ions K+. Lorsque le neurone émet un potentiel d'action - ouverture séquentielle et extrêmement brève d'abord des canaux laissant d'abord entrer le sodium et ensuite de ceux laissant sortir le potassium, soit une charge positive ensuite annulée par une charge négative -, ce potentiel va se propager dans l'axone (voie de sortie). Il voyage aussi dans les dendrites, constituant un signal « écho » qui transmet l'information aux synapses. Pour ne pas saturer les dendrites avec ce signal électrique dont l'amplitude est très grande quand il est émis, son amplitude diminue à mesure qu'il s'éloigne du corps cellulaire et qu'il se propage. Cette atténuation est due à une augmentation progressive de la densité des canaux potassium dans les dendrites.
C. Bernard montre que dans l'ELT la densité des canaux potassium est, au contraire, diminuée. Il observe également que les neurones produisent une série de molécules qui, se fixant sur les canaux restant, les rendent moins performants. Et aussi que cela permet de rendre compte de l'excitabilité particulière du tissu épileptique.
« Ce contrôle du potentiel d'action par les canaux potassium est très important, car une perte de fonction de ces canaux rend le neurone plus excitable. C'est ce contrôle qui est en partie perdu dans l'ELT », explique Christophe Bernard.
Hippocampe et déficits cognitifs.
On comprend l'importance de ces recherches quand on sait que l'ELT est la forme d'épilepsie la plus fréquente chez l'adulte. Elle implique, dans le lobe temporal, des neurones de l'hippocampe, qui est le siège de nombreux processus cognitifs concernant notamment l'apprentissage et la mémorisation. Les patients souffrant d'ELT peuvent donc être sujets à des déficits cognitifs. L'ELT est une forme grave et souvent réfractaire aux anti-épileptiques. Dans ce cas, la chirurgie peut être envisagée. La décision d'intervenir chirurgicalement peut être difficile à prendre, dans la mesure où l'on risque d'aggraver les déficits cognitifs si la zone à enlever est importante. Les canaux potassium défectifs identifiés par le chercheur à Marseille étant principalement exprimés dans les cellules excitatrices de l'hippocampe, il est concevable de les cibler de façon préférentielle, sans trop affecter les autres neurones. Comme les médicaments utilisés dans l'épilepsie ont une action générale neurologique pour éviter les crises, un traitement ciblé apparaît comme novateur.
* Directeur de recherche de l'unité Inserm 29 à l'Inmed(institut de neurobiologie de la Méditerranée, dirigé par Yezekiel Ben Ari, Marseille).
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