UN PUZZLE GÉANT à flanc de poids lourds sillonnant la France jusqu’à son centre névralgique, Paris. Voilà l’image inédite que l’on apercevra durant les Journées nationales de l’épilepsie (JNE), du 16 au 21 octobre. Pour sa quatrième édition, le Comité national pour l’épilepsie (CNE), qui fédère l’ensemble des associations de patients et des fondations, lutte à nouveau contre les préjugés véhiculés par cette pathologie protéiforme. En 2002, un sondage TNS Sofres commandé par la Ffre (Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie) révélait que 8 % des Français reliaient l’épilepsie à une origine surnaturelle. Les convulsions sataniques de « l’Exorciste » ne sont pas loin ! La cause de tant d’idées fausses ? «L’épilepsie est un ensemble hétérogène de maladies neurologiques. Leurs présentations cliniques sont très variables, d’où l’image fragmentée du puzzle», explique, pédagogue, Bertrand de Toffol, président de la Ligue française contre l’épilepsie (Lfce).
Une pathologie répandue.
Alors que la maladie touche de 50 à 60 millions d’individus dans le monde, 500 000 rien qu’en France, elle est toujours mal connue du public enclin à la confondre avec sa manifestation la plus spectaculaire (et la plus rare), la crise tonico-clonique : des convulsions électrisant tout le corps, des cris, de l’écume aux lèvres... Pourtant, il existe plusieurs types de crise et leur fréquence définit la pathologie. «C’est une affection chronique. On parle d’épilepsie seulement quand les crises se répètent», insiste Alexis Arzimanoglou, président de la Société européenne de neurologie pédiatrique.
On distingue les crises généralisées – notamment les crises tonico-cloniques, mais aussi les absences, c’est-à-dire une rupture de contact de quelques secondes, ou les myoclonies caractérisées par de brèves secousses des membres –, des crises focales qui n’affectent que certaines parties du corps. De même, dans le spectre des quarante épilepsies, on notera la différence entre la forme idiopathique – sans pathologie neurologique associée –, la généralisée non idiopathique – où se manifestent parfois plusieurs types de crise chez le même patient –, et l’épilepsie partielle non idiopathique, toujours associée à une lésion cérébrale.
Le pronostic se révèle donc très variable. «Les épilepsies dépendent de l’âge. Si le diagnostic est fait suffisamment tôt, les épilepsies de l’enfance ont toutes les chances de s’éteindre à l’adolescence», commente A. Arzimanoglou. La plupart des épilepsies sont bénignes en pédiatrie, même si les enfants restent une cible majeure : le pic de la maladie se situe entre zéro et un an et la pathologie «est fréquente dans les quinze premières années de la vie». Mais depuis une vingtaine d’années, le travail sur ses diverses formes – via notamment l’école de Marseille –, a permis des avancées décisives. De très nombreuses molécules antiépileptiques mises sur le marché permettent maintenant de stabiliser plus de 70 % des épilepsies.
Une prise en charge encore difficile.
Dès que l’on parle d’épilepsie, le vrai problème semble venir davantage du réseau de soins que de la pathologie même. L’approche globale fait encore cruellement défaut : les patients sont souvent «saucissonnés entre les différents acteurs de santé, les neurologues, les psychiatres et autres avec lesquelles ils doivent jongler», rappelle une épileptique véhémente. L’accès à un diagnostic spécialisé n’est que trop rare dans la structure hospitalière. «Souvent, poursuit A. Arzimanoglou, on ne dit pas aux parents ce qui se passe pour leur enfant épileptique alors qu’il faudrait préciser que le traitement va mettre du temps à s’équilibrer.» En outre, dans un système de soins où le généraliste est en première ligne, il est amené à dépister l’épilepsie. «Le généraliste pense pouvoir la gérer. On s’est rendu compte qu’il préconisait au patient le même médicament pendant des années malgré le manque d’efficience du traitement», s’insurge B. de Toffol.
Les épileptiques, mis au ban de la société ? Traditionnellement, l’épileptique est frappé d’interdit. Impossible pour lui de s’assurer sans surcoût ou de conduire. Une politique assouplie depuis un arrêté de décembre 2005 : on peut être déclaré apte à la conduite sous certaines conditions médicales, notamment l’absence de crises sur une période de plusieurs années. Le patient souffrant d’épilepsie active reste en revanche sous le coup de cet interdit. «Soixante-quinze pour cent d’épileptiques ne déclaraient pas leur affection à la préfecture, argumente A. Arzimanoglou. Leur permis et leur assurance n’étaient donc pas valables. Maintenant les épileptiques peuvent respecter la loi sans se cacher. Le regard de la société change sur cette pathologie.» Pas à en croire l’expérience d’une patiente, atteinte d’une forme bénigne : «Lorsque j’ai demandé un prêt immobilier, on m’a renvoyé mon épilepsie à la figure, comme une claque.»
Dans ce marasme social, il reste l’espoir scientifique. La Ffre a permis l’intégration d’un mathématicien du chaos dans une unité de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Succès : «Un an après son entrée à l’hôpital, il a réussi à prévoir le déclenchement d’une crise deux, voire huit minutes à l’avance», révèle Bertrand Esambert, président de la Ffre. Des innovations contre la maladie sont donc à venir.
Des débats, des animations, des conférences et des rencontres sont organisés dans une douzaine de villes : tél. 0.870.716.664, www.epilepsie-comite.fr.
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