Arts
Il n'y eut pas un thème, il n'y eut pas une science, il n'y eut pas une catégorie humaine ou végétale, pas un visage, un mythe, une image, une chose de la vie, qui n'ait pas intéressé Léonard de Vinci. Tout ce qui l'entourait semble avoir été happé par son regard et par sa raison, puis assimilé et compris, pour être restitué dans ses uvres.
« Plus on connaît, plus on aime », se plaisait-il à dire. Il fit l'expérimentation de la géométrie, de la perspective, de la mécanique, de l'alchimie, de la botanique, de la géologie, de l'anatomie, de l'hydraulique... et mit sur le même plan de son intérêt la science et l'art. Le savoir et l'intuition allaient chez lui de pair.
L'uvre de Léonard ne se résume assurément pas à « la Joconde » et à son sourire énigmatique. Et l'exposition du Louvre rend assez bien compte de la diversité des uvres de l'insatiable investigateur, ce curieux de la vie qui préférait fonder sa pensée sur la réalité plutôt que sur l'idéal platonicien, philosophie dominante à l'époque de la Renaissance.
À 17 ans, Léonard entre dans le célèbre atelier de Verrocchio à Florence (dans lequel uvrèrent également Botticelli et Perugino), et y excelle dès son arrivée. Son premier dessin connu date de 1473.
L'exposition, conçue autour d'un parcours thématique de quatorze sections, rend d'abord compte de ses études de draperies, exercices d'atelier sous forme de petites esquisses sur toiles de lin, et de ses premières Vierges, thème typiquement florentin. Dans une atmosphère à la fois sereine et sourdement angoissée, Vinci, d'un trait énergique et brillant, compose des Vierges seules ou à l'Enfant, accompagnées de têtes d'anges, de licornes, de fruits ou de chats. La perspective aérienne et à l'arrière-plan l'imitation de la nature selon une vision personnelle s'affirment déjà dans les dessins préparatoires à « l'Adoration des mages » et à « la Vierge aux rochers ».
La guerre civile, les meurtres, les affrontements et la tyrannie font rage à l'époque de la République. Loin de s'en détacher et de chercher refuge dans la beauté des Vierges, Léonard entre en 1502 au service de César Borgia dit le Valentin (capitaine général des armées du Pape), comme architecte et ingénieur général de sa famille, mettant en avant ses compétences dans le domaine de la balistique et de l'équipement guerrier. Et le voilà qui exécute avec un plaisir visible dans la précision du trait et dans l'ingéniosité, des projets d'armes, des machines de guerre, des obus et des grenades, des fortifications, des enceintes et des fantassins, avec un souci descriptif et même scientifique, reposant sur une observation personnelle, et dans un but utilitaire. Annotations, explications complètent chaque représentation à même le support.
Enigmatique
Mais là encore un paradoxe ou une complémentarité : Léonard est autant préoccupé d'éclairer et d'enseigner que de laisser planer un mystère sur les sujets qu'il donne à voir. Enigmatique et ésotérique est sa série d'allégories. Elle soulève des questionnements et des interprétations. Etranges, rares, quasi chimériques et fabuleux, les croquis de plantes (graminées et ornithogales en ombelles) qui accompagnent les esquisses retraçant l'épisode mythologique de Léda (1503-1504).
Les portraits sont à la fois une observation clinique de l'humain - comme en témoigne la série des « Grotesques », trognes, vieillards, difformités anatomiques - et un sublime exercice de subjectivité, qui dévoile le mouvement de la vie intérieure. Une véritable cosa mentale.
L'exposition présente enfin, les uvres des léonardesques, peintres influencés par Vinci, fidèles à sa conception de la forme épanouie et libérée de ses carcans (Boltraffio, Lodi, Luini ou Solario). Elle est complétée par les manuscrits du maître, exposés à la fois tels quels et sous forme d'images numérisées fixées sur des bornes informatiques.
Léonard de Vinci, Musée du Louvre, Hall Napoléon. Renseignements : 01.40.20.51.51. Nocturnes tous les jours jusqu'à 21 h 30 sauf jeudi et dimanche. Fermé le mardi. Jusqu'au 14 juillet.
Catalogue de l'exposition, éd. RMN, 420 p., 59 euros.
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