Dans quelques années peut-être, les oignons ne tireront plus de larmes des cuisiniers(ères), si la découverte de chercheurs japonais, parue dans « Nature », est suivie d'effets. Finis les épluchages sous l'eau ou dans un sac en plastique. L'oignon privé de l'enzyme responsable de son action lacrymogène, le facteur lacrymogène synthétase, deviendrait un légume comme les autres dans les cuisines. Sans perdre, a priori, ses qualités gustatives.
C'est d'ailleurs le nud du problème. Jusqu'à la découverte de S. Imai (Tokyo) et coll., que rapporte la revue américaine, on attribuait le désagrément du bulbe, lors de sa préparation, à une enzyme, l'alliinase. Laquelle donne également sa saveur à l'oignon. Cette alliinase, pensait-on, déclenche les larmes en produisant un facteur lacrymogène à partir du PRENCSO (1-propenyl-L-cystéine).
L'idée des chercheurs japonais a été de contrôler ce fait en ajoutant un extrait grossier d'alliinase d'ail (de la même famille que l'oignon) à du PRENCSO. A leur grande surprise, ils n'ont pas constaté de synthèse de facteur lacrymogène. La même manipulation avec un extrait grossier d'alliinase d'oignon provoquant l'apparition de facteur lacrymogène, les Japonais ont recherché une substance encore inconnue responsable du phénomène.
Facteur lacrymogène synthétase
La technique de laboratoire a consisté tout d'abord à faire passer l'alliinase d'oignon dans une colonne d'hydroxyapatite afin d'en extraire la fraction susceptible de déclencher la formation du facteur lacrymal. Une purification de cette fraction a permis d'isoler trois protéines distinctes. Les chercheurs ont déterminé que ces trois protéines sont soumises à l'expression d'un seul gène codant pour une nouvelle enzyme, qu'ils ont baptisée facteur lacrymogène synthétase.
A titre de contrôle, des Escherichia coli ont été manipulés, de façon à exprimer le gène de la nouvelle enzyme. Elle démontre bien l'activité enzymatique attendue, de façon très spécifique. Mise en présence de PRENCSO, elle provoque l'apparition de facteur lacrymogène. Cette synthèse est conditionnée par la présence simultanée d'alliinase, de PRENCSO et de l'enzyme. En absence de facteur lacrymogène synthétase, les scientifiques ont noté l'augmentation d'un produit de dégradation, le thiosulphinate.
Cette ultime découverte fait le lien avec les premières lignes de la démonstration. Le thiosulphinate est responsable de la saveur de l'oignon frais. Si l'on pouvait créer des oignons dépourvus du gène du facteur lacrymogène synthétase, ils ne feraient plus pleurer dans les cuisines. Mais la persistance du thiosulphinate continuerait de flatter le palais dans les salles à manger. En plus, concluent les auteurs, l'oignon conserverait ses propriétés nutritionnelles, telles que des actions hypolipémiante et antiagrégante plaquettaire.
« Nature », vol. 419, 17 octobre 2002, p. 685.
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