Pendant des années, les scientifiques ont pensé tout connaître du sort de l'angiotensine II, sa formation, ses fonctions. Et l'enzyme de conversion (ECA) qui lui donne naissance à partir de l'angiotensinogène est une cible thérapeutique bien connue. Essentiellement parce que l'angiotensine II intervient dans l'élévation de la pression artérielle par ses effets coordonnés sur le cœur, les vaisseaux et le rein. Voici deux ans environ, il est apparu à la communauté scientifique que l'ECA n'était pas seule. Il existe une ECA2.
C'est ici tout l'intérêt du travail de Michael A. Crackower (Toronto, Canada) et coll. publié dans « Nature ». Ils précisent la place de l'ACE2. Elle semble impliquée dans la régulation des fonctions cardiaques. La démonstration en a été menée chez des rongeurs.
En premier lieu, les auteurs ont situé le gène de l'ECA2 sur le chromosome X du rat. Le recherche a été orientée vers ce site en raison de l'implication de ce chromosome dans l'hérédité et de l'induction de l'hypertension artérielle. Leur découverte a été confirmée sur trois souches différentes de rats génétiquement hypertendus. Au passage, les auteurs relèvent que le taux d'ECA2 est réduit chez ces modèles animaux.
La pression artérielle
Dès lors, une question s'est posée : l'ECA2 est-elle impliquée dans le contrôle de la pression artérielle ? L'équipe israélo-canadienne a créé des souris déficientes pour l'enzyme. Contrairement à ce qu'elle attendait, les rongeurs étaient sévèrement hypotendus. Une explication a pu être fournie. En fait, la pression artérielle des souris déficientes en ECA2 était normale. Mais, contrairement à ce qui passe chez les animaux déficients en ECA, les souris montraient une altération précoce de la fonction cardiaque portant essentiellement sur la fréquence et la contractilité.
Restait à comprendre la raison de ce dysfonctionnement. M. Crackower et coll. ont montré que l'absence d'ECA2 conduit à une augmentation des taux d'angiotensine II qui peut être responsable de la pathologie cardiaque (par des mécanismes autres que que la pression artérielle). Cependant, l'élévation de l'angiotensine II, pour significative qu'elle soit, reste relativement modeste. Elle pourrait être davantage conséquence que cause de la dysfonction cardiaque.
Les chercheurs sont allés plus loin, en créant des souris doublement déficientes en ECA et EAC2. Elles sont identiques à des souris uniquement déficientes en ECA : pression artérielle basse et absence d'anomalie cardiaque. Elles synthétisent probablement peu d'angiotensine II. Les auteurs suggèrent donc que l'angiotensine II participe à l'apparition de la pathologie cardiaque chez les souris déficientes en ECA2.
Malheureusement, une question est restée sans réponse. Les auteurs ont constaté que les souris doublement déficientes avaient une pression artérielle bien plus basse que les souris uniquement déficientes en ECA2. Dès lors, il reste à savoir si ces souris déficientes en ECA et ECA2 ont gardé un cœur normal en raison d'une plus faible PA ou d'une carence en angiotensine II cardiaque.
Indispensable au développement cardiaque
Un travail complémentaire a été mené chez la mouche (Drosophila melanogaster) qui possède deux ECA2. Il montre chez des mouches mutantes que l'une des deux enzymes, ECAR, est indispensable à un développement cardiaque normal.
En conclusion, la protéine semble bien impliquée dans le fonctionnement cardiaque des mammifères. L'absence (ou peut-être le mauvais fonctionnement) de l'ECA2 contribue aux pathologies cardiaques.
Il va falloir démontrer, exprime K. Bernstein (Atlanta, Etats-Unis) dans un éditorial, si l'atteinte cardiaque « est véhiculée par l'angiotensine II, potentiellement régulateur central du système cardio-vasculaire humain, ou si quelque autre mécanisme sera le prochain chapitre de l'histoire ».
« Nature », vol. 417, 20 juin 2002, pp. 799-802 et 822-828.
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