Recherche de facteurs de risque

L'entretien doit être approfondi et structuré

Publié le 26/05/2008
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Bilan

M. Henri H., 58 ans, vient de bénéficier d'un bilan dans un centre d'examen de santé de la Sécurité sociale. C'est un bilan qu'il réalise tous les cinq ans depuis vingt ans. La conclusion de ce bilan souligne quatre facteurs de risque cardio-vasculaire : un facteur génétique (père fumeur décédé d'un infarctus du myocarde à l'âge de 49 ans), un tabagisme (30 paquets/années) de 20 à 50 ans, une hypertension artérielle d'apparition récente, non traitée (165/95 mmHg) et une obésité morbide (31 kg/m2). L'électrocardiogramme est normal. Le cholestérol total plasmatique est mesuré à 2,33 g/l, la fraction HDL à 0,42 g/l, la glycémie à jeun à 4,8 mmol/l. La créatinine plasmatique est à 105 µmol/l et la clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft est calculée à 73 ml/mn. Le sédiment urinaire est normal. Les recommandations portent sur l'hygiène alimentaire et l'activité physique, pour réduire l'obésité, sur le suivi de la pression artérielle auprès de son médecin traitant afin de mettre en place rapidement un traitement antihypertenseur et sur l'arrêt du tabagisme. Pour motiver le patient sur les objectifs définis, le risque cardio-vasculaire à dix ans est calculé (méthode de Laurier). Par rapport à un patient de même âge, sans aucun facteur de risque, l'excès de risque chez notre patient est multiplié par 3,7 (21,7 % versus 5,7 %) pour la maladie coronarienne. De même, le risque de survenue d'un accident vasculaire cérébral est augmenté. L'arrêt du tabac et le contrôle de la pression artérielle systolique en dessous de 140 mmHg peuvent réduire significativement ce niveau de risque en approchant celui du patient « sans aucun facteur de risque » (5,7 % pour un accident cardio-vasculaire à dix ans). Ainsi, la mise en place rapide des moyens pour répondre à ces deux objectifs est urgente, car il existe un facteur familial « prédisposant » à la survenue d'un accident coronarien.

Commentaire 1

L'évaluation du risque vasculaire repose sur un interrogatoire orienté.

Cumuler plusieurs facteurs de risque augmente la probabilité de survenue d'un événement cardio-vasculaire à dix ans. Sans un interrogatoire approfondi et structuré sur les antécédents familiaux, on peut ignorer la composante génétique d'un risque vasculaire. Le contexte familial peut ainsi peser sur le niveau de risque. Les dernières recommandations de l'European Society of Hypertension en juin 2007 soulignent l'intérêt de rechercher dans la famille du patient les antécédents vasculaires. L'âge de survenue d'un événement cardio-vasculaire est considéré comme un facteur « prédisposant » à prendre en compte lors de l'évaluation du risque « global ». Lorsque l'accident coronarien survient chez les parents avant 55 ans pour le père et avant 65 ans pour la mère, l'enfant est considéré porteur d'un facteur de prédisposition, lequel viendra s'ajouter aux autres facteurs de risque.

Commentaire 2

Le rôle des modèles de risque et des facteurs de prédisposition dans l'évaluation du risque vasculaire.

Parmi les modèles de risque, celui de Framingham est le plus connu. Il est cependant inadapté à la population européenne car il surévalue le risque. Le modèle de Laurier, mis au point en France, corrige celui de Framingham. Les études européennes et notamment françaises ont montré que l'utilisation du modèle de Framingham dans la population française nécessitait un ajustement qui consiste à diviser le risque obtenu par un facteur variant selon l'âge et le sexe entre 2 et 3. La Haute Autorité de santé, dans ses recommandations de 2004, précise les précautions à prendre lorsque l'on utilise des modèles pour estimer le risque cardio-vasculaire global.

Quel que soit le modèle utilisé, il est important de respecter la définition des variables utilisées dans le modèle de risque.

L'estimation du risque cardio-vasculaire global par les modèles est moins « fiable » pour les valeurs extrêmes des facteurs de risque en cas de maladie familiale (hypercholestérolémie familiale), de problèmes de mesure (effet blouse blanche) ou de maladie rare (syndrome de Conn).

Les modèles de risque ne peuvent pas être utilisés pour le patient diabétique de type 1 ou la femme enceinte, car ces patients n'ont pas été spécifiquement étudiés dans la population de l'étude de Framingham.

Le risque cardio-vasculaire global est estimé dans les modèles à partir des facteurs de risque dits « majeurs », et il est donc possible de « moduler » les décisions de traitement en fonction des facteurs de risque associés dits de « prédisposition » que sont l'obésité androïde, la sédentarité, les antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce, la précarité et les facteurs psychosociaux.

Commentaire 3

La Société européenne d'hypertension (ESH) précise les antécédents familiaux de risque vasculaire qu'il y a lieu de rechercher chez tout hypertendu.

Dans ses nouvelles recommandations, l'ESH précise que l'interrogatoire du patient doit s'attacher à étudier les points suivants : l'antériorité de l'hypertension non traitée ou non contrôlée, les signes évocateurs d'une hypertension secondaire, notamment la prise de médicaments ou de substances ayant une action hypertensive (réglisse, gouttes nasales, amphétamines, cocaïne, contraceptifs oraux, corticoïdes, AINS, agents stimulant l'érythropoïèse, cyclosporine), la consommation de graisse, de sel et d'alcool, la quantité de cigarettes fumées, l'activité physique hebdomadaire et les antécédents familiaux d'hypertension artérielle, de maladie coronarienne, de dyslipidémie et de diabète de type 2. Le médecin traitant doit donc s'attacher à réaliser un interrogatoire approfondi et structuré lorsqu'il prend en charge pour la première fois un hypertendu.

À partir des nouvelles recommandations européennes de juin 2007 (ESH) en matière de prise en charge d'une hypertension artérielle.

> Dr PIERRE SIMON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8378