LES ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES du 2 juin 2006 n'ont pas seulement bouleversé le paysage syndical. Elles ont marqué un virage important pour les unions régionales des médecins libéraux (Urml). Jusque-là hégémonique au sein de la Conférence nationale des présidents (CNP) d'unions, la Csmf a vu émerger en décembre une nouvelle instance de coordination et de représentation des Urml baptisée Union nationale des médecins libéraux (Unml), créée par les opposants à la convention (FMF, MG-France, Espace généraliste et Union collégiale). Cette dualité à la tête des unions a ralenti la mise en route des nouvelles équipes régionales.
Bien que les responsables des deux structures dirigeantes s'en défendent, l'année écoulée n'aura pas permis aux Urml de faire beaucoup avancer les dossiers prioritaires de l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP), obligation quinquennale depuis la réforme de l'assurance-maladie, et de la transmission des données aux unions (TDU). Seulement 13 000 médecins ont, jusqu'à présent, réalisé un cycle d'évaluation, selon les chiffres communiqués en avril par la CNP. Quant à la TDU, elle reste un concept depuis la publication du décret du 24 février 2004 qui lui a donné naissance. Ce qui conduit le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), à établir un constat très sévère. «A quoi servent les unions?, attaque-t-il. Quand on voit ce que paient les médecins (la cotisation annuelle est de l'ordre de 150 euros) pour ce qu'elles rapportent, cela dépasse le ridicule. Il faut redéfinir les missions des unions et arrêter les querelles stupides entre les instances différentes qui les dirigent.»
Le Dr Philippe Boutin, qui a pris la présidence de la CNP en décembre, goûte peu ces critiques qui «flattent quelques médecins» mais reflètent surtout, selon lui, les efforts de communication sur leur travail que doivent encore faire les unions auprès de leurs mandants. «Depuis décembre, nous avons beaucoup avancé sur tous les dossiers, explique-t-il. Nous avons harmonisé les règles de l'EPP avec la Haute Autorité de santé (HAS) , les organismes agréés et les CME. Nous sommes par ailleurs en train de rendre opérationnelle la transmission des données du Sniram aux unions et nous ouvrons un troisième gros dossier sur l'évaluation des besoins de santé. Les Urml sont indispensables et reconnues comme telles par leurs partenaires institutionnels.»
Elu à la tête de l'Unml, qui a récemment tenu sa première assemblée générale et voté un budget de 180 000 euros (« le Quotidien » du 18 avril), le Dr Jean-Claude Régi estime aussi que les unions s'imposent dans le paysage institutionnel. «Nous nous mettons doucement en mouvement et nous avons des intérêts communs sur des dossiers techniques avec la CNP, confie le président de la FMF. Mais nous avons aussi une profonde divergence avec Libéralis (ndlr, système d'exploitation des données de santé auquel fait appel la CNP) . C'est pour nous un problème politique majeur. Nous ne souhaitons pas que les caisses nous envoient toutes les données qui sont difficiles à stocker et à sécuriser. Nous préférons effectuer des requêtes auprès du Sniram sur des points précis quand cela est nécessaire.»
L'absence chronique de financement.
La guerre des chefs que se livrent la CNP et l'Unml ne facilite pas l'avancée des dossiers. L'absence récurrente de financement non plus. «On nous mène en bateau depuis deux ans en promettant des investissements pour l'EPP mais nous n'en avons jamais vu la couleur», fulmine le Dr Régi. Philippe Boutin souligne que les unions vont également devoir faire face à une baisse de leur budget dans les années à venir du fait des nombreux départs en retraite des médecins. «Cela va inévitablement poser des problèmes car les unions ont des contraintes budgétaires (secrétariat, médecins habilités…) et ne peuvent plus financer seules les actions d'EPP. Il faudra faire un choix et décider si l'on accepte le recours à des financements privés qui respecteraient des principes de transparence.» Une réunion entre les principaux acteurs de l'évaluation doit être consacrée exclusivement à son financement.
Première instance régionale créée dans le domaine sanitaire en 1993 avec la loi Teulade, les Urml ne sont toujours pas devenues, comme le souhaitaient leurs fondateurs, un contre-pouvoir médical. Elles ne sont pas parvenues à dépasser les clivages syndicaux qui les déchirent. De l'évolution des relations entre la CNP et l'Unml dans les mois à venir dépendra pourtant l'avenir des unions régionales.
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