ZENON
Samedi 16 juin. Vous rentrez d'Italie, après avoir avalé rapido un dernier plat de « linguine alle vongole » au snack de l'aéroport de Naples. Vous feuilletez les journaux que la compagnie Air France met gratuitement à votre disposition, histoire de vous remettre dans le bain. Jospin et son trotskisme... Ça ne vaut plus un coup de cidre. Le dépôt de bilant d'AOM-Air Liberté... Vous volez sur Air France... Pourvu qu'ils n'envahissent pas les pistes d'Orly-Sud ! Jacques Maillot, de Nouvelles Frontières, trouve ses grandes décisions entrepreneuriales à l'église ? Vous voyagez seul, sans tour-opérator. Göteborg saccagée (mais doit-on prononcer « Yeuteuborg », comme sur France-Info ?).
Bref, le seul article qui vous inspire vraiment, pendant que vous refusez le plateau-repas, est à la rubrique « sciences », de « Libération » (16 et 17 juin) : « Physique : le casse-tête des mécanismes de rupture. Etude de nuds dans un plat de spaghettis ». Voilà un sujet qui devrait inspirer notre prix Nobel Gilles de Gennes, dont la femme est une excellente cuisinière ! Et bien non ! L'article est paru dans le « New Journal of Physics », et signé par Giovanni Dietler, de l'université de Lausanne. Un Suisse allemand au prénom italien qui fait cuire des pâtes pour vérifier le point de résistance des nuds, voilà qui est passionnant !
On sait, depuis le nud de Gordes, qu'il existe un problème fondamentalement nodal : pourquoi une ficelle, un brin, un bout, un filin, pètent-ils toujours, quelqu'en soit la matière, au niveau du nud ? Pourquoi, plus le nud est simple, plus facilement ça casse ? Le fil de pêche en Nylon, même filmé à mille images par seconde, cassait trop vite pour qu'on puisse en filmer la rupture. Ils ont donc essayé avec des spaghettis. Al dente, cela ne marchait pas. Il fallait les cuire un peu mous, alla francese, et là, les photos ont parlé : plus le nud est simple, donc, plus il est fragile, et la cassure semble se produire dans la région de la plus grande courbure. Voilà qui est intéressant. Mais pourquoi, lorsque nous tournons nos spaghettis autour de la fourchette, ne se rompent-ils pas ? C'est sans doute que n'avons pas l'esprit, ni assez de mains pour tirer à chacune de leurs extrémités. Il paraît qu'ils vont essayer les nouilles chinoises, plus fines.
En conclusion, après atterrissage, arrivée et décrassage à la maison, nous rejoignîmes des amis dans un restaurant sans pâtes, et quel fut le sujet de la soirée ? L'article de « Libé » sur les nuds de spaghettis.
Tout le monde l'avait lu. Ce soir-là, « Loft Story » fit un flop.
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