L’ENGOUEMENT pour les « alter-médecines », qui ont pour point commun de ne bénéficier d’aucune validation scientifique, d’être exercées par des thérapeutes autoproclamés et de rejeter les soins médicaux traditionnels, n’en finit pas de faire des «esclaves», des «esclaves heureux», selon le pape de la scientologie Ron Hubbard. Les soins et la santé, comme la formation continue ou le soutien scolaire, ne sont plus à l’abri des dérives sectaires. Le marché se porte bien. Dans son rapport 2005, remis par son président Jean-Michel Roulet à Dominique de Villepin, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)* parle de plus de deux cents méthodes.
Des pratiques exclusives et excluantes.
Les offres de soins et d’accompagnement au développement personnel sont «assorties de promesses de guérison et de vie harmonieuse ici-bas et même au-delà». «Les méthodes alternatives le plus fréquemment rencontrées excluent les approches médicales prouvées et évoluent vers une pratique exclusive et excluante», témoigne un médecin responsable de l’unité des soins palliatifs au Chru de Besançon, membre du Centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations mentales.
Parmi les courants en vogue, celui des thérapies hygiénistes alliant jeûne et sport intensif semble se développer dans le Sud-Ouest. En Bretagne, des groupes allient écologie, découverte de la nature et pratiques guérisseuses empruntées à la tradition druidique. En Haute-Garonne, des formations à la naturothérapie sont proposées à des chômeurs et à des RMIstes. En Ariège, dans la mouvance New Age, on conjugue chamanisme, méditation, réflexologie et soins énergétiques. En Meurthe-et-Moselle, des mouvements catéchumènes à vocation guérisseuse occupent le terrain. Dans les Bouches-du-Rhône avec Lou Pitchoun, dans les Landes avec Shy, en Haute-Marne avec l’instinctothérapie, en Dordogne avec le Cercle des amis de Bruno Goering ou dans l’Yonne avec l’Eglise universelle, le refus de soins est souvent la règle. En Loire-Atlantique, toutefois, un institut prônant la méthode Silva n’a pas obtenu un accord à la formation professionnelle. De même, une association de l’Ain spécialisée en naturo-réflexologie, qui sollicitait une subvention du fonds de gestion de congé individuel de formation, a essuyé un refus.
Protection.
De nouvelles organisations se dessinent dans le paysage de la protection des personnes manipulées, qu’il s’agisse de la Coordination nationale de défense des victimes de la kinésiologie, de l’Association des victimes de thérapies alternatives et de la psychogénéalogie, du Centre d’information et de prévention sur les psychothérapies abusives et déviantes ou encore d’Alerte aux faux souvenirs induits qui lutte contre les abus liés aux thérapies du faux souvenir.
La confirmation en appel, à l’été 2004, de la condamnation de Ryke Geerd Hamer pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine rappelle que les méthodes qui bannissent le recours ou la poursuite de traitements conventionnels dans toutes les pathologies, y compris dans les affections lourdes, sont dangereuses.
Méfiance aussi à l’égard de certaines approches psychologisantes dans les prestations de santé ! «Le principe selon lequel le sujet serait atteint d’une pathologie dont ses ascendants directs seraient responsables, indépendamment des facteurs génétiques ou environnementaux, donne lieu désormais à autant de solutions thérapeutiques que de publics à toucher et donc de marchés potentiels à conquérir», souligne la Miviludes. La vigilance demeure donc indispensable, comme l’atteste l’exemple de la communication facilitée, sur laquelle l’Ordre des médecins a émis les plus grandes réserves en 2004. Introduite par l’orthophoniste Anne-Marguerite Vexiau, la communication facilitée permettrait à de grands handicapés de s’exprimer en tapant à la machine avec un doigt ; un partenaire leur soutient la main, ce qui favoriserait les échanges inconscients entre les deux. Le milieu sectaire fait également ses choux gras de la prévention : des dérives confirmées reposent sur l’idée que le jeûne serait en lui-même un facteur de prévention de toutes formes de maladies. Fin 2001, un couple de parents adeptes de l’Ordre apostolique Tabitha’s Place a été condamné à douze ans de réclusion criminelle pour avoir privé d’aliments et de soins leurs enfants au point de compromettre leur santé.
L’infiltration des professions médicales.
Les adeptes de la « médecine nouvelle » s’appuient, certes, sur le grand public, consommateur de l’offre de soins, mais aussi sur le milieu médical. Quelques médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens représentent un «relais privilégié pour des promoteurs de thérapies non validées. Nombre de thérapeutes, praticiens en médecine holistique, techniques énergétiques, adeptes de la mouvance Hamer s’affichent avec force propositions de formations via les petites annonces et les encarts publicitaires. Qui dit médecine alternative dit aussi commerce de médicaments dont la validité thérapeutique n’est pas prouvée».
L’affaire Beljanski reste à cet égard l’un des cas les plus tristement célèbres. A ce jour encore, les produits du chercheur biologiste décédé en 1994, censés agir contre le cancer et le sida, continuent à être distribués.
Face cette gangrène, la tâche est immense mais peut-être pas désespérée. Un exemple : sur proposition de la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes, le ministère de la Santé, par arrêté du 20 avril 2005, a classé comme stupéfiants une série de produits détournés par les sectes : le Banisteriopsis caapi, le Peganum harmala, le Psychotria viridis, le Diplopterys cabrerana, le Mimosa hostilis, le Banisteriopsis rusbyana, l’harmine, l’harmaline, le tétrahydroharmine, l’harmol et l’harmalol. En juillet 2005, la Direction générale de la santé (DGS) a diffusé auprès de l’ensemble de ses services et de ses agents un document de travail destiné à proposer un rapprochement entre la notion de dérive sectaire et la notion de «dérive thérapeutique». Une fiche technique visant à apporter, aux médecins susceptibles d’être confrontés à un refus de traitement ou de transfusion sanguine, une aide sur les conduites à tenir a été achevée en 2005, incluant de nouvelles dispositions issues de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Ce document, actuellement en voie de diffusion, rappelle le droit et les devoirs du praticien à convaincre son patient d’accepter de recevoir des soins adéquats, tout en respectant son droit de les refuser, pour autant qu’il soit en capacité d’exprimer une volonté libre et éclairée. A l’automne dernier, la DGS a demandé aux Ddass d’alerter les médias pour leur signaler que la Commission des citoyens pour les droits de l’homme-Collectif des médecins et des citoyens contre les traitements dégradants de la psychiatrie est une émanation de l’Eglise de scientologie. Enfin, la circulaire 2006 de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisations des soins relative aux axes prioritaires de formation continue attire l’attention des établissements publics de santé sur la nécessité d’accorder une vigilance particulière à l’achat de formation.
* La Miviludes, créée le 28 novembre 2002, est rattachée au Premier ministre ; www.miviludes.gouv.fr.
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