Sarm acquis dans la communauté. H.-F. Chambers (département des maladies infectieuses de l’hôpital général de San Francisco) est revenu sur les infections à staphylocoque doré résistant à la méthicilline acquis dans la communauté (Sarm-AC).
Il est difficile de connaître avec précision l’amplitude de cette épidémie. Des cas ont été rapportés dans la plupart des Etats américains et le nombre de publications consacrées à ce thème est en augmentation exponentielle ces dernières années, ce qui est un bon indicateur.
Du point de vue épidémiologique, la maladie survient par épidémie. La transmission du germe est favorisée par la promiscuité, le manque d’hygiène et les contacts rapprochés. Ce qui explique que des cas ont été décrits chez les enfants, les prisonniers, les sans-domicile-fixe, les militaires, les homosexuels, les toxicomanes par voie veineuse, les sportifs, notamment ceux qui pratiquent un sport comportant un contact de peau à peau, tel que le football américain ou la lutte. Les sports de contact ont donné lieu à un grand article intitulé « Menace dans les ves-tiaires » dans « Sports Illustrated », revue sportive de référence aux Etats-Unis.
La différence entre Sarm-AC et staphylocoque doré résistant à la méthicilline acquis à l’hôpital (Sarm-AH) tend à s’estomper : les patients atteints de Sarm-AC peuvent être hospitalisés et une transmission croisée peut se produire.
Les germes responsables sont cependant bien différents. Pour le Sarm-AC, deux clones sont prédominants, alors que la variété génétique est plus importante pour les Sarm-AH. Par ailleurs, bien que le Sarm-AC soit résistant aux bêtalactamines, il est sensible à de nombreux antibiotiques.
Du point de vue de la symptomatologie, les atteintes cutanées et otitiques sont plus fréquentes lors d’infections par le Sarm-AC par rapport au Sarm-AH ; les infections respiratoires, septicémiques et des voies urinaires sont moins fréquentes. Le tableau clinique peut cependant être grave : furonculose sévère, pneumopathie nécrosante postgrippale chez les enfants, fasciite nécrosante, choc, infection de l’orbite et de l’oeil. Certaines souches sont productrices de la leucocidine de Panton-Valentine.
Du point de vue thérapeutique, les patients sont souvent traités à tort par des antibiotiques du type vancomycine ou daptomycine. Pour H.-F. Chambers et par ordre décroissant, les meilleurs choix sont la clindamycine, puis les tétracyclines, avec une préférence pour la tigécycline et enfin le cotrimoxazole.
Retour à l’ère d’avant les antibiotiques? C’est la question que s’est posé N.-O. Fishman du département des maladies infectieuses de l’université de Pennsylvanie, s’agissant essentiellement des infections nosocomiales. Un antibiogramme montrant un germe résistant à l’ensemble des antibiotiques a été montré, mais l’orateur a indiqué qu’il s’agissait encore d’un cas exceptionnel.
Aux Etats-Unis, l’attention se porte surtout sur la résistance des cocci Gram positif, sur les entérocoques résistants à la vancomycine et sur le staphylocoque doré résistant à la méthicilline acquis à l’hôpital. Mais l’on assiste également à une augmentation des entérobactéries avec bêtalactamase à spectre élargi (Blse).
L’orateur a développé trois problématiques : la résistance aux fluoroquinolones, les carbapénèmases de Klebsiella pneumoniæ et les Acinetobacter, avant d’en venir à la prévention.
–Les fluoroquinolones ont été mises au point au début des années 1980, à partir de quinolones. Les antibiotiques de cette famille sont parmi les plus utilisés, notamment en long séjour. Le risque de résistance était considéré comme faible, car ces produits ont deux points d’impact dans la bactérie, la DNA gyrase et la topo-isomérase IV. Cependant, la résistance est devenue possible du fait d’une pompe à efflux qui rend la bactérie résistante non seulement à d’autres antibiotiques mais également à des désinfectants en « recrachant » ces molécules dans le milieu extérieur dès leur pénétration. Cela pose le problème de certains désinfectants destinés aux toilettes et qui pourraient promouvoir la sélection de bactéries multirésistantes.
La résistance aux fluoroquinolones est associée au long séjour et à l’utilisation préalable d’aminoglycosides. Le taux de létalité des patients est de 1,4 % lorsque la bactérie est sensible aux fluoroquinolones versus 8,1 % lorsqu’elle est résistante. Cette différence est en fait due au retard de mise en oeuvre d’une antibiothérapie efficace.
–En ce qui concerne les carbapénèmases deKlebsiella pneumoniæ, il en existe quatre types aux Etats-Unis. Elles sont liées à la présence d’un plasmide et rendent les bactéries résistantes à l’ensemble des bêtalactamines. Plusieurs épidémies de telles Klebsiella pneumoniæ ont été rapportées aux Etats-unis où elles semblent actuellement confinées au Nord-Est, dans le New Jersey et à New York, notamment à Brooklyn, et également en France, à Singapour, en Israël et en Amérique du Sud. Le diagnostic de cette résistance au laboratoire est difficile.
–Des infections àAcinetobacter, notamment baumanii, résistantes à de nombreux antibiotiques, ont été décrites à New York, à Philadelphie, à Baltimore et chez des militaires de retour d’Irak.
La contamination se fait à partir de l’environnement. L’antibiothérapie non adaptée est le facteur majeur de risque de décès.
–Cette situation liée à l’émergence de bactéries multirésistantes est d’autant plus préoccupante qu’il y a une diminution du nombre de nouveaux antibiotiques commercialisés, qu’il n’y a pas de nouveaux antibiotiques en développement et que de nouvelles familles ne seront pas disponibles avant dix ou quinze ans.
La lutte contre l’antibiorésistance passe par une diminution de la prescription des antibiotiques. En effet, au sein de la flore de colonisation faite de bactéries sensibles aux antibiotiques, la prescription d’antibiotiques risque de sélectionner des germes résistants, lesquels pourront être à l’origine d’une infection, lors de manoeuvres invasives notamment. Il est donc nécessaire d’épargner les nouveaux antibiotiques, d’améliorer le diagnostic afin d’éviter les traitements à large spectre. Selon N.-O. Fishman, 50 % des antibiothérapies seraient inutiles ou inappropriées. Parmi les autres stratégies d’amélioration de la prescription des antibiotiques figurent la formation des prescripteurs, la restriction de prescription, l’accord préalable de prescription, la rationalisation de la prescription, la prescription assistée par ordinateur et la rotation. Cette stratégie, très en vogue, consiste à arrêter de prescrire une famille d’antibiotiques pendant une période donnée, en espérant que la baisse de la pression de sélection diminue le nombre de souches résistantes.
N.-O. Fishman a semblé peu convaincu de l’intérêt de cette stratégie.
Enfin, il a insisté sur l’importance de l’hygiène des mains. Dans l’antibiorésistance, la part liée à une mauvaise hygiène des mains serait de 30 à 40 %, celle de la prescription d’antibiotiques inappropriés de 30 à 40 %, celle de la communauté de 20 à 25 % et celle de l’environnement de 20 %.
Le lavage des mains serait inférieur de 50 % à ce qu’il devrait être. Les médecins se lavent les mains bien moins souvent que les infirmières et la fréquence de lavage est inversement proportionnelle à la charge de travail.
Atlanta. Congrès sur les maladies infectieuses émergentes.
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