LA CHINE a souvent été suspectée de dissimuler des informations en matière de grippe aviaire. Après l’apparition des premiers cas animaux dans la région du lac Bleu (Qinghai), lieu de passage des oiseaux sauvages qui migrent en été vers l’Europe, les autorités sanitaires ont pris deux mesures phares destinées à lutter contre la diffusion du virus H5N1 chez l’animal et donc, à terme, éventuellement chez l’homme. Des campagnes de vaccinations intensives dans les élevages de volailles ont été menées et un réseau de surveillance, coordonné par le Dr J M Peiris (Hongkong) en collaboration avec des chercheurs américains, a été mis en place. Dans les « Proceedings » de l’Académie des sciences américaine, les virologues rapportent les données issues de la campagne de surveillance des marchés de volailles vivantes dans vingt-deux des provinces chinoises. Entre juillet 2005 et juin 2006, 53 220 prélèvements ont été effectués chez des poulets, canards et oies vendus sur les marchés de grandes et de petites villes chinoises. Au total, 1 294 de ces prélèvements ont été positifs (taux d’isolement 2,4 % contre 0,9 % pendant les douze mois précédents). Les poulets étaient moins souvent porteurs du virus que les canards ou les oies (0,5 contre 3,3 % et 3,5 %).
Une lignée unique FJ-like pour 68 % des souches.
Un pic saisonnier hivernal a été observé entre les mois d’octobre 2005 et de mars 2006. Par rapport à l’année précédente, il semblerait que les oies et les canards domestiques soient plus souvent atteints. Autre fait marquant, les virologues ont détecté le virus pendant onze des douze mois de l’année contre quatre mois au cours de la période de surveillance précédente.
Le deuxième volet de la surveillance consistait en une analyse phylogénétique de 390 isolats (30 % des virus isolés au cours de la campagne de surveillance). Les virologues ont aussi séquencé 16 virus détectés à Hongkong au cours des six premiers mois de l’année 2006. Ces analyse ont pu prouver que 68 % des souches appartiennent à une lignée unique (FJ-like génotype Z) dont l’hémagglutinine a été séquencée pour la première fois en mars 2005 (Dk/FJ/1734/05). Entre juillet et septembre 2005, trente-trois des virus séquencés appartenaient à cette lignée ; ce chiffre est passé à 233 dans les neuf mois qui ont suivi. Par ailleurs, vingt-huit des autres isolats appartenaient à une lignée spécifique GY2, six à la lignée GD/06, quatorze à GY1, treize à YN2.
L’analyse phylogénétique de cinq virus isolés sur les cas humains survenus en Chine en début d’année 2006 a confirmé la similitude entre le génotype de l’hémagglutinine de ces souches et celui des virus FJ-like animaux. Ces données suggèrent que les infections humaines récentes pourraient être en rapport avec un contact avec des volailles infectées. Un travail complémentaire, mené dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est sur des oiseaux, a confirmé la diffusion de cette lignée virale à Hongkong, au Laos et en Malaisie.
La caractérisation moléculaire effectuée sur les virus FJ-like ensuite a confirmé l’existence du site de clivage caractéristique de la pathogénicité levée des virus aviaires. Inoculés à des oeufs embryonnés, ces virus provoquent la mort de l’embryon en moins de vingt-quatre heures ; donnée qui, elle aussi, indique la haute pathogénicité du virus.
Etude des effets de la vaccination animale.
Dans un troisième temps, l’équipe de surveillance a effectué des analyses sérologiques dans des élevages de volailles afin d’évaluer l’effet de la vaccination animale mise en place à partir du milieu de l’année 2005. Entre novembre 2005 et avril 2006, des prélèvements ont été effectués sur 1 130 poulets. Seulement 16 % d’entre eux étaient porteurs d’anticorps à un taux suffisant pour une neutralisation virale. Sur ces 180 sérums, 76 ont été tirés au sort afin de tester leur réactivité face au virus FJ-like. Cinquante-cinq de ces sérums ont peu ou pas neutralisé le virus, ce qui prouve que, même correctement vaccinées par le vaccin actuellement disponible en Chine, les volailles peuvent être dans leur grande majorité infectées par le virus H5N1 FJ-like qui circule actuellement en Chine. Pour les auteurs, «ce travail suggère qu’après les deux premières vagues de diffusion virale H5N1 détectées en 2004 puis 2005, il semblerait que le virus FJ-like prenne le pas sur les autres sous-types et se développe à la fois chez l’animal et chez l’homme en dépit des mesures de surveillance virale et de vaccination des élevages».
G.J.D. Smith et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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