AINSI QUE l’explique Michèle Lefrançois, conservateur au musée des Années 1930, dans le catalogue de l’exposition, Tamara de Lempicka avait «l’ambition de se fairel’icône idéale» d’une société qui la fascinait. Née à Varsovie dans un milieu cultivé, Tamara, qui épousa successivement le comte Tadeusz de Lempicki puis le riche baron hongrois Raoul Kuffner de Dioszegh, fut toujours avide de reconnaissance publique, éblouie par l’aristocratie et la grande bourgeoisie, follement attirée par ce qu’on appellerait aujourd’hui l’univers de la jet-set, l’élite fortunée et glamour. Sa vie – qui ressemble à un scénario de film – est le miroir de son oeuvre, et réciproquement. Elle n’eut de cesse d’observer les divertissements des Années folles, de côtoyer les célébrités de l’époque, puis de les peindre, affirmant un style singulier, élégant, entre postcubisme, maniérisme moderniste et figuration néoclassique.
La cinquantaine de toiles que le musée de Boulogne expose – pour la plupart réalisées dans les années 1930 – permet d’abord de découvrir le style des débuts de Tamara : une peinture froide, hau- taine (voir le glacial portrait de Tadeusz Lempicki, de 1928), qui s’assouplit et s’anime peu à peu, lorsque les Années folles battent leur plein. L’artiste additionne alors les représentations des visages de la vie parisienne : haute bourgeoisie ou univers de la nuit, comme Suzy Solidor, la chanteuse sulfureuse, ou Marjorie Ferry, créature aux moeurs libérées… Le style est très moderne, le graphisme proche de l’art publicitaire, les couleurs accrocheuses, voire tapageuses.
Crise mystique.
La période de dépression qu’elle traverse au milieu des années 1930 la conduit à choisir des thèmes plus profonds. Elle connaît alors une sorte de crise mystique, et aborde une série de toiles aux thèmes religieux (la « Vierge à l’enfant » et surtout la « Mère supérieure », inspirée d’une nonne qu’elle avait rencontrée et sur le visage de laquelle elle lisait «la souffrance du monde, si terrible à contempler»).
Puis en Amérique, dans les années 1950, elle change radicalement de langage pour se tourner vers des représentations de natures mortes, de paysages, des compositions marquées par l’abstraction. Tamara vit ses dernières années au Mexique, et adopte un style plus charmant, tendre et gracieux.
L’exposition témoigne de l’évolution de l’artiste. L’occasion de découvrir également les dessins de Tamara de Lempicka, des photos de la jeune femme posant pour de grands photographes et couturiers, ainsi que la reconstitution de son atelier très « années 1930 » du 7, rue Méchain, à Paris, immeuble construit par l’architecte Robert Mallet-Stevens. Un atelier résolument moderne, élégant, libéré de toute convention, à l’image de Tamara.
Musée des Années 30, espace Landowski, 28, avenue André-Morizet, 92100 Boulogne-Billancourt. Tél. 01.55.18.46.42. Jusqu’au 16 juillet. Catalogue, coédition Flammarion et Les Amis du musée des Années 30, 160 p., 35 euros.
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