Le monde politique est en émoi : les médecins sont en colère, menacent de descendre dans la rue. Et lorsque le corps médical s'emporte, les conséquences peuvent être importantes, voire désastreuses, pour le pouvoir en place. Il n'y a guère de jour, depuis le début de l'action des médecins généralistes, où l'on ne cite le précédent du plan Juppé et de l'opposition déterminée des médecins à ce projet. Ce qui aurait fait perdre les élections de 1997 à la droite et à son chef.
D'autres considérations ont sans doute comptées dans le choix des Français, mais l'impact du plan Juppé a été réel et le vote des médecins n'a sans doute pas été étranger aux résultats d'alors.
D'où le souci des hommes politiques de 2002, et de leurs partis, de ne pas se couper du monde médical et d'affirmer qu'ils comprennent les préoccupations des médecins libéraux et, plus largement, des professionnels de santé.
Pain bénit pour l'opposition actuelle, qui tient sa revanche, confiait récemment un député RPR : ce conflit fait l'objet de toutes ses attentions. Parfois trop, peut-être, lorsque l'on entend François Bayrou réclamer l'organisation d'un Grenelle de la santé, réunissant professionnels de santé, gouvernement et assurance-maladie, alors même qu'Elisabeth Guigou en a déjà réuni deux, avec des résultats qui n'ont guère séduit les participants. On est éloigné de l'exigence de l'UNOF qui demande une réunion d'urgence avec le gouvernement sur les revalorisations tarifaires et l'avenir de la médecine générale.
Mais en l'occurrence, le candidat UDF à l'élection présidentielle se pose en défenseur des médecins. Tout comme son « ami » de l'opposition, Alain Madelin, de Démocratie libérale, candidat à l'Elysée lui aussi et qui demande une revalorisation des honoraires médicaux correspondant à l'augmentation du salaire de Lionel Jospin comme Premier ministre, « soit 13 % », pouvait-on lire sur un tract récent de M. Madelin.
Evidemment, le RPR n'est pas en reste, qui affirme par la voix de sa présidente, Michèle Alliot-Marie, qu'il soutient l'action des médecins, lesquels aspirent « à voir leur rôle mieux reconnu financièrement et socialement », et dénonce l'attitude « méprisante » d'Elisabeth Guigou à l'égard des professions de santé.
Des partis gênés
Les partis de la majorité plurielle parlementaire ne sont pas moins gênés aux entournures, mais c'est surtout le PS qui paie aujourd'hui l'addition. Et Vincent Peillon, le porte-parole de ce parti, a bien du mal à convaincre les médecins, qui n'ont pas été reçus mercredi à Matignon, comme ils le demandaient, que la méthode Jospin « faite de respect, d'écoute et de dialogue est à l'uvre », comme il l'affirme dans « le Parisien ». Certes, le délégué du Parti socialiste aux professions de santé, le Dr Claude Pigement, ne manque pas une occasion de dire (« le Quotidien » du 23 janvier) qu'il faut revaloriser les honoraires et arriver à un accord.
Et, au sein de la majorité, les médecins peuvent toujours compter sur leurs farouches défenseurs, que sont les communistes. Donc, le monde politique, à quelques rares exceptions près, est maintenant partisan des revalorisations d'honoraires - ce qui n'a pas été toujours le cas au début du conflit. Cependant, il est clair qu'il espère surtout ne pas s'aliéner des professionnels qui comptent tant par leur nombre que par leur influence. A ce jeu, les partis d'opposition sont peut-être aujourd'hui plus à l'aise que le Parti socialiste, bien que les médecins n'ont rien oublié du plan Juppé. Il demeure que le malaise de la profession médicale est si profond que les bonnes paroles et les propos apaisants ne suffiront pas. C'est l'un des dangers qui guettent les partis : à force de dire tout et le contraire de tout, selon qu'ils sont aux affaires ou dans l'opposition, les politiques ont fini par perdre leur crédibilité aux yeux des médecins et des professionnels de santé. C'est pourquoi le point de non-retour est atteint.
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