LE TEMPS DE LA MEDECINE
Chaque interview, chaque article à propos d'un centenaire comporte rituellement la même question : « Quel est votre secret ? » Et chacun de révéler quelques recettes. Révélations parfois contradictoires : « Jamais une goutte d'alcool » pour l'un, « Un petit verre de vin à chaque repas » pour l'autre. Bien sûr, ces constats individuels n'ont pas de valeur générale. Existe-t-il seulement un point commun entre nos centenaires expliquant leur longévité ?
Pour répondre à la question, une idée a germé voici plus de dix ans au sein de la fondation Ipsen : étudier les centenaires en France. De quoi comprendre le secret de leur longévité et peut-être aussi de quoi faire face à l'augmentation rapide de cette tranche de la population, en France. Une aide scientifique était indispensable au projet « A la recherche du secret des centenaires » ; elle a été fournie par l'unité INSERM Démographie et Santé, à Montpellier.
Inutile d'en faire un mystère, disons-le d'emblée, il n'y a pas un secret pour atteindre un siècle. Mais peut-être y en a-t-il plusieurs : associés, ils reviennent de façon récurrente dans l'enquête et se retrouvent dans des études similaires menées à l'étranger.
Le portrait-robot, brossé dans « A la recherche du secret des centenaires », résume assez correctement la composition de la potion. En France, c'est une femme. Elle a travaillé toute sa vie ; se présente comme plutôt gaie et optimiste, confiante dans l'avenir, ouverte sur le monde. Mais il semble bien qu'on ne parvienne pas à un siècle d'existence en se laissant marcher sur les pieds. Cette femme a du caractère, elle peut être autoritaire, voire tyrannique. Elle se plaint peu, cherche à plaire et aime la vie. Elle ne sombre jamais dans les excès, mais, pour autant, ne se prive pas : ce n'est pas une ascète.
Comme toute généralisation, ce tableau type reflète la moyenne des réponses aux diverses questions posées. Mais il met en exergue la part prépondérante de la composante psychologique sur ces vies prolongées.
Cinq questions ont été posées aux proches du centenaire. Il s'agissait de positionner chaque individu sur des échelles visuelles analogiques, déterminant s'il était : calme/détendu ou anxieux/tendu ; renfermé ou communicatif ; triste ou gai ; optimiste ou pessimiste ; tolérant ou intolérant. D'une façon générale, les centenaires étaient placés du « bon côté » des échelles. Ils possèdent en outre deux facultés indispensables qui ont pour nom « résilience » et « conation ». La première, issue de la physique, est la capacité d'un matériau à résister aux chocs élevés et à restituer l'énergie encaissée. Elle permet au futur centenaire d'encaisser les coups durs de la vie et de rebondir. La seconde est la faculté à vouloir entreprendre, créer. Il semblerait qu'arrivent à cent ans ceux qui en sont le mieux pourvus.
Gai, facile à vivre
Sur des questions posées toujours à l'entourage, l'ancêtre apparaît, une fois sur deux, comme gai, jovial, facile à vivre, optimiste. Mais il apparaît aussi (pour un quart des sujets) comme autoritaire, volontaire. Quant à une participation divine à leur vieillissement, peu de centenaires y croient.
Mais, pour les investigateurs, comment résister à la question traditionnelle sur le secret du grand âge. Les nombreux médecins ayant participé à l'enquête ont donc posé trois questions sur le thème : « Comment avez-vous fait pour être centenaire ? Y a-t-il un secret ? Avez-vous des conseils ou des recettes à donner ? » Si, bien entendu, toutes sortes d'anecdotes ont été enregistrées, comme « deux cuillères de miel le matin » ou « jamais de laitage », dans la majorité des cas, la réponse a été « pas de secret, pas de recette, pas de conseil ». Spontanément, les sujets parlent, eux aussi, de la joie de vivre, de la vie sans excès ou privation évoquées par leurs proches. Mais de façon répétitive apparaît le mot travail. Indépendamment du fait qu'il s'agit souvent de veuves qui ont dû assumer leurs besoins, les enquêteurs rappellent qu'il s'agit d'une génération pour laquelle l'importance du travail était grande. Quant à l'alimentation, nombreux sont ceux qui croient en l'importance de leur mode de nutrition, sans plus de précision.
Enfin, et surtout, pas question d'afficher dix décennies sans une bonne santé. Ici, l'enquête s'est fiée à l'avis des médecins traitants. Ils confirment la bonne santé physique et psychique de leur patient, même s'ils constatent des affections chroniques sévères (notamment cardiaques) ou des limitations fonctionnelles. Ils rapportent aussi une extrême fragilité, avec un fonctionnement des grands appareils au bord de la faillite, les fonctions cérébrales semblant résister mieux que le reste de l'organisme.
Le dernier ingrédient qu'évoquent les médecins traitants est affectif : il s'agit d'un entourage familial chaleureux et protecteur.
Le rapport complet peut être consulté sur le site www.bipmed.com/free/patient/actualite/1a/sommaire.htm.
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