A. Définitions
Position du problème, définition de quelques termes.
A1) Transaminases.
On distingue :
1) l'alanine amino-transférase (ALAT, ex-SGPT), plus « spécifiquement » hépatique.
2) l'aspartate amino-transférase (ASAT, ex-SGOT). Cette dernière s'élève préférentiellement dans les situations suivantes :
- infarctus du myocarde,
- rhabdomyolyse,
- affections musculaires chroniques, mais aussi en cas d'alcoolisme ou de fibrose hépatique importante (cirrhose).
A2) Taux normal.
Plusieurs points :
1) il n'y a malheureusement pas de réglementation fixant un seuil de normalité ;
2) un taux normal de transaminases ne permet pas d'exclure l'existence d'une hépatite C, ni d'une stéato-hépatite non alcoolique.
A3) Chronique.
On parle en général d'élévation chronique des transaminases lorsqu'elle est confirmée sur un autre prélèvement au bout de six mois.
A4) Isolée.
On parle d'élévation isolée des transaminases en l'absence de signes de cholestase.
1) Ainsi, pour certains auteurs, une élévation des phosphatases alcalines, supérieure à 1,5 fois la limite supérieure de la normale (N), fait envisager une cholestase associée et oriente un peu différemment le bilan étiologique. En effet, en cas de cholestase (où l'augmentation des phosphatases alcalines est habituellement marquée), on recherche plus particulièrement les affections suivantes :
- obstacle sur la voie biliaire ;
- tumeurs hépatiques ;
- maladies cholestatiques (cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante).
2) En revanche, en cas d'élévation isolée de la gamma-GT (GGT), sans augmentation associée des phosphatases alcalines, on considère habituellement qu'il s'agit d'une élévation « isolée » des transaminases.
A5) Une élévation minime des transaminases ne justifie pas la réalisation d'un bilan biologique étiologique.
B) Stratégie
Quelle stratégie initiale ?
Il paraît raisonnable de proposer les étapes suivantes :
B1) éliminer une élévation des transaminases de cause non hépatique (encadré 1).
B2) rechercher d'abord les causes fréquentes par :
1) un interrogatoire minutieux (antécédents familiaux et personnels, prises médicamenteuses...) ;
2) un bilan biologique orienté (encadré 2) ;
3) souvent une échographie.
B3) Rechercher ensuite les causes plus rares.
C) Causes fréquentes
Causes fréquentes d'augmentation des transaminases
C1) Les trois causes les plus fréquentes d'élévation chronique des transaminases sont :
1) l'alcoolisme (encadré 3) ;
2) les stéatoses non alcooliques (encadré 3) ;
3) les hépatites virales (encadré 3).
C2) Attention à la stéatose :
1) elle est très fréquente ;
2) elle peut relever de plusieurs causes chez un même malade, par exemple :
- surpoids ;
- alcool ;
- hépatite C (génotype 3) ;
3) d'où la nécessité d'un bilan étiologique complet (du type de celui proposé dans l'encadré 2 chez chaque malade).
D. Causes moins fréquentes
Causes moins fréquentes d'augmentation des transaminases :
D1) après l'alcool, les hépatites virales
(C notamment) et la stéatose (ou stéatohépatite) non alcoolique, il faut envisager les deux catégories étiologiques suivantes :
1) génétiques (encadré 3) ;
2) auto-immunes (encadré 3).
D2) Si le bilan proposé dans cet article ne permet pas de trouver la cause d'une augmentation persistante des transaminases, nous vous proposons de lire le deuxième article consacré aux cas difficiles.
Réponse
L'assertion A5 est critiquable. En effet, une augmentation confirmée des transaminases, même minime, justifie un bilan étiologique car celui-ci peut amener à la découverte d'une cause curable.
Causes non hépatiques
1. Origine musculaire : signes musculaires ; ASAT > ALAT ; CPK élevées.
2. Macro-ASAT : rare ; ASAT liée à une immunoglobuline ; isolée ou associée (affection « immunologique » (polyarthrite, hépatite, cancer).
3. Hémolyse : ASAT (pas l'ALAT).
Exemple de bilan de « débrouillage »
Phosphatases alcalines, GGT ; électrophorèse des protéines ; Ag HBs, anti-HBc ; sérologie virale C ; glycémie, cholestérol, triglycérides ; fer sérique et CTF (saturation de la transferrine) ; TSH ; céruloplasminémie (surtout chez le sujet jeune).
Causes d'élévation des transaminases
A. Alcoolisme
1. Interrogatoire : patient et entourage.
2. Signes cliniques d'imprégnation : hypertrophie parotidienne ; maladie de Dupuytren.
3. Biologie
ASAT > ALAT
(évocateur, non spécifique) ; macrocytose (peu sensible et peu spécifique) ;
- gamma-GT élevées (peu sensible et peu spécifique) ;
- tranferrine désialylée (semble plus spécifique) ;
(ou carbohydrate déficient transferrin, CDT).
B. Stéatose non alcoolique : causes fréquentes
1. Syndrome métabolique*
- Clinique : surpoids, HTA ;
- biologie : ALAT > ASAT, glycémie > N ; triglycérides > N ; cholestérol LDL > N ; uricémie > N ;
- échographie : sensibilité et spécificité non absolues pour le diagnostic de stéatose.
2. Autres étiologies
- Médicaments : corticoïdes,
amiodarone, tamoxifène... ;
- nutritionnelles : dénutrition, alimentation parentérale ;
- autres (voir texte [alinéa C2])
* ou syndrome polymétabolique, ou syndrome X, ou syndrome d'insulinorésistance (hyperinsulinisme).
C. Hépatites virales
1. Hépatite B
Ag HBs + (grande majorité des cas) ; la virémie (ADN du VHB) peut être faible si : virus B mutant [Ag HBe -, anti-HBe +] ou coïnfection delta ;
-> ADN VHB en PCR quantitative.
2. Hépatite C
Sérologie VHC + (grande majorité des cas) ; sérologie parfois - si immunodépression (coinfection VIH...) ;
-> ARN du VHC en PCR qualitative.
D. Causes génétiques
1. Hémochromatose : saturation de la transferrine (> 45 %) ; mutation gène HFE (C282Y/C282Y ; C28Y/H63D).
2. Déficit en alpha 1 antitrypsine : alpha 1 globuline* basse ; alpha 1 antitrypsinémie basse.
3. Maladie de Wilson : céruloplasminémie basse ; examen ophtalmologique (anneau cornéen) ; cuprurie des vingt-quatre heures (élevée).
* Electrophorèse des protéines
E. Hépatites auto-immunes
1. Clinique : femme (souvent) ; manifestations extrahépatiques (parfois) ;
2. Biologie : hyper- ou hypogammaglobulinémie* ;
anticorps antitissus ; antinucléaires et/ou antimuscle lisse (HAI de type 1) ; anti-LKM (Liver Kidney Microsome)(HAI de type 2) ;
3. Histologie : hépatite dite d'« interface ».
* Electrophorèse des protéines
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