C 'EST l'histoire d'un homme, fin lettré et amoureux de musique classique. Bach surtout. C'est un homme fidèle dont la femme est morte il y a bien longtemps et qui, la retraite venue, sans doute, a choisi de vivre avec son fils et sa famille. Une belle-fille, deux petits-enfants. Mais ces enfants grandissent et l'appartement n'est pas immense. Aussi cet homme tendre et pacifique décide-t-il un jour de partir pour une maison de retraite. On imagine bien qu'il aurait aimé que son fils le retienne. Mais il a bien trop de fierté pour ne pas aller au bout de son projet. Et même quand le fils, un moment, comprenant la détresse de son père, lui dit que l'on peut encore renoncer, il préfère s'entêter et partir...
On voit bien ce qui a séduit Jean Piat dans cette histoire amère et douce qu'il a adaptée d'après une traduction de Ginette Herry. On voit bien tout ce qu'un acteur de sa classe, un acteur qui est aussi auteur à ses heures - et ses romans ont le fruité des textes écrits dans la sincérité et le goût de la belle langue - a pu entendre dans cette comédie un peu mal fichue (et qui se complaît dans quelques inutiles précisions cliniques) de l'Italien Furio Bordon.
On ne peut s'interdire de penser que quelques-unes des questions du « personnage » renvoient ce grand interprète entré en 1947 au Français à ses propres interrogations sur le temps qui passe, la « splendeur de l'âge » (comme disait Duras), la mort.
Et Piat, qui a des allures d'homme mûr, séduisant mais en rien « vieux », réussit le prodige, dans la deuxième partie de la pièce, de nous faire croire qu'il est au soir de sa vie. C'est le plus beau versant du texte. Seul dans le garage où il se réfugie, soignant avec amour un plant de basilic, celui qui a choisi la maison de retraite mais refuse de se confondre avec les autres pensionnaires, ceux qui ont depuis longtemps lâché prise, se laisse aller aux confidences. Plus d'interlocuteur. Mais la sérénité de l'acceptation...
La première partie de la comédie est inscrite dans un double mouvement de dialogue : dans l'éclat de ses quarante ans, sa femme trop tôt disparue, est là. Il dialogue avec elle, la consulte. Ne l'écoute guère. Par elle, la mort est familière au professeur épris d'exactitude. Et Marie Lenoir donne à ce personnage sa naturelle sensualité, sa sérénité. Elle est vraie. Le fils qui doit ce soir-là faire le «sale» travail, conduire son père jusqu'à cette maison de retraite austère, souffre, a honte, préfèrerait être ailleurs ce jour-là... et en même temps se dit que c'est dans l'ordre des choses. Les vieillards doivent laisser la place aux jeunes... Stéphane Hillel, qui signe également la mise en scène, fluide, discrète, donne au fils son désarroi et sa juste ambivalence.
Il y a des détails que l'on ne comprend pas dans la pièce : pourquoi cacher aux enfants que leur grand-père va vivre ailleurs, par exemple. Mais il y a des choses très simples et très fraîches. La première partie se joue dans la chambre des enfants, avec des grands personnages de Walt Disney accrochés aux murs. Pluto et la famille Donald. Et lui, ce professeur savant qui puise toute force dans les livres, on le croit vraiment quand il dit que lui, Henri, s'est toujours identifié à Riri... C'est comme si son enfance à lui était là, intacte. Et cela Jean Piat le donne merveilleusement à entendre. Tout est grave et tout est léger, tout est triste mais un rayon de soleil réchauffe le basilic...
Théâtre Montparnasse, à 21 heures du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 15 h 30. Durée : 1 h 50 sans entracte (01.43.22.77.74).
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