LES PATIENTS porteurs d’un mélanome épais ou métastasé aux ganglions régionaux (stade AJCC IIB, IIC ou III) présentent, après exérèse chirurgicale, un risque de récidive et de décès qui dépasse encore 40 % à cinq ans.
Pour ces patients à haut risque, un traitement adjuvant par interféron alpha-2b est indiqué en option, car il allonge la survie sans récidive ; cependant, son efficacité sur la survie globale est contestée.
Bien que ce traitement adjuvant soit autorisé en France et aux Etats-Unis, sa toxicité importante et son bénéfice limité à 30 % des patients ont freiné son acceptation générale.
Il serait précieux de mieux comprendre le mécanisme sous-tendant le bénéfice de l’interféron alpha-2b et de pouvoir identifier les patients susceptibles d’en tirer bénéfice, afin de guider la thérapeutique.
Une étude prospective grecque constate une forte association entre le développement d’une auto-immunité durant ou après le traitement adjuvant par interféron alfa-2b et une évolution favorable.
On savait l’immunothérapie par interféron alpha capable d’induire une réponse immune contre des autoantigènes. Des phénomènes auto-immuns ont été associés à une meilleure survie chez les patients cancéreux, en particulier ceux atteints d’un mélanome, ce qui suggérait qu’une réponse immune antitumorale pouvait prolonger la survie, mais aussi conduire à l’auto-immunité.
Gogas et coll. ont, pour la première fois, étudié prospectivement l’apparition d’une auto-immunité chez les patients porteurs d’un mélanome de stade IIB, IIC ou III (selon l’AJCC) et traités par interféron alpha-2b. Ils ont évalué la valeur pronostique de cette auto-immunité.
Traitement d’induction de quatre semaines.
L’étude porte sur 200 patients, qui représentent un sous-groupe de participants enrôlés dans une étude randomisée de phase III comparant deux protocoles de traitement adjuvant par interféron alpha-2b. La moitié de ces patients recevaient un traitement d’induction de quatre semaines, l’autre moitié, un traitement d’induction de quatre semaines, suivi d’un traitement sous-cutané de onze semaines.
Les investigateurs ont dosé dans le sérum plusieurs autoanticorps (antithyroïdien, antinucléaire, anti-ADN et anticardiolipine) à partir des prélèvements sanguins obtenus avant traitement adjuvant, puis 1, 3, 6, 9 et 12 mois après le début du traitement. Les patients ont aussi été examinés à la recherche d’un vitiligo.
Durant le suivi moyen d’environ quatre ans, 115 patients ont présenté une récidive et 82 patients sont décédés. Ainsi, en moyenne, la survie sans récidive a été de deux ans et demi (28 mois) et la survie globale, de cinq ans (59 mois).
Les chercheurs ont constaté que des signes d’auto-immunité, sérologique ou clinique, sont apparus chez un quart des patients (52/200) et sont fortement associés à des améliorations, aussi bien de la survie sans récidive que globale.
Ainsi, la survie globale est en moyenne de trois ans (38 mois) chez les patients qui ne développent pas d’auto-immunité (80 des 148 sont décédés), tandis que la survie moyenne n’est pas atteinte chez les patients qui ont développé une auto-immunité (2 des 53 patients sont décédés).
Des marqueurs utiles pour surveiller l’efficacité.
Le Dr Helen Gogas (université d’Athènes) et coll. suggèrent donc que les manifestations sérologiques et cliniques d’auto-immunité pourraient procurer des marqueurs utiles pour surveiller l’efficacité du traitement par interféron chez les patients atteints de mélanome.
Pour les Drs Koon et Atkins (Boston), auteurs d’un éditorial, cette étude «apporte la plus forte preuve à ce jour d’un lien entre l’apparition d’une auto-immunité et un effet antitumoral favorable de l’immunothérapie… Les résultats suggèrentque la majorité du bénéfice de l’interféron alpha est limitée aux patients chez lesquels apparaît une auto-immunité… Ils éclairent le mécanisme d’action de l’interféron alpha-2b, et, peut-être, de l’immunothérapie en général, chez ces patients… Toutefois, puisque l’auto-immunité est observée seulement après une moyenne de trois mois, et parfois plus d’un an après le début du traitement adjuvant, l’apparition d’une auto-immunité ne peut être utilisée comme un marqueur prédictif du bénéfice».
Des études s’imposent donc pour mieux comprendre quels patients sont prédisposés à l’auto-immunité induite par l’interféron alpha, ce qui pourrait aider à identifier des biomarqueurs prédisant le bénéfice de ce traitement.
« New England Journal of Medicine », 16 février 2006, pp. 709 et 758, Gogas et coll.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature