CONGRES HEBDO
13-16 MARS 2001 - PALAIS DES CONGRES - PARIS
E N 2001, c'est devenu un truisme de rappeler que les allocations de ressources ne sont pas sans limite et que le concept de « coût d'opportunité » doit prévaloir dans chacune de nos décisions de s'engager dans une nouvelle voie thérapeutique ou diagnostique. Les interventions, surtout en matière de prévention, doivent s'appliquer non seulement sans risquer de nuire, mais aussi être engagées là où elles risquent d'être le plus rentables, c'est-à-dire envers les sujets qui sont susceptibles d'en tirer le plus de bénéfices.
Une réduction de la morbi-mortalité
Il a été démontré que la prévention secondaire est la plus rentable car c'est là que le risque absolu d'accidents coronariens ou de récidives est le plus élevé, avec des thérapeutiques qui ont parfaitement démontré leur action bénéfique. Les statines ou inhibiteurs de la HMG-CoA réductase, commercialisées depuis les années quatre-vingt, ont fait la preuve de leur efficacité en prévention secondaire chez des coronariens au cours de trois grands essais randomisés contrôlés versus placebo.
En 1994, l'étude 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study) utilisait la simvastatine, administrée six mois après l'événement coronarien. Deux autres études, CARE (Cholesterol and Recurrent Events trial) et LIPID (Long-Term Intervention with Pravastatine in Ischemic Disease) ont analysé les effets de la pravastatine. Elle était administrée, dans LIPID, de trois à trente-six mois après le syndrome coronarien aigu, et ce durant six ans. Les résultats ont globalement montré qu'en diminuant de l'ordre de 30 % les taux de cholestérol total et de LDL cholestérol, les statines réduisaient la morbi-mortalité d'origine coronaire : diminution du risque d'infarctus du myocarde, de décès d'origine coronarienne et de décès toutes causes confondues. Plus récemment, l'étude MIRACLE a objectivé que l'administration précoce d'une autre statine, l'atorvastatine, entraînait une réduction de 16 % du critère « événement combiné » : décès, infarctus non mortels, arrêts cardiaques réversibles, aggravation de la symptomatologie ischémique et réhospitalisations en urgence. Ainsi, la prévention secondaire se révèle efficace. Cependant, elle est difficile à mettre en uvre. C'est ce qu'ont montré deux études menées par des observatoires européens et français. EUROASPIRE 1 (1995/1996) et 2 (1999/2000) ont mis en évidence un déficit de prescription de statines, chiffré à 32 % des cas, six mois après un accident coronarien aigu dans la première étude ; il s'est élevé à 63 % dans la seconde. PREVENIR 1 en 1998 a révélé que seuls 35,5 % des patients en postinfarctus sortaient de l'hôpital avec une prescription de statine ; ils étaient 45 % à six mois. Mais, dans PREVENIR 2 en 1999, le taux de prescription d'une statine est passé à 60 %, alors qu'il est resté stable pour les IEC et l'aspirine.
L'intérêt du suivi biologique
Ces études montrent aussi la difficulté d'obtenir un suivi biologique (dans PREVENIR 1, le taux de LDL cholestérol était inconnu dans 75 % des cas) ou une « efficacité » biologique (dans EUROASPIRE 1, 59 % des patients avaient un cholestérol total > 1,90 g/l). En termes d'observance, plus la prescription de statines est précoce, dès l'accident aigu, meilleure est l'observance thérapeutique (93,7 % dans PREVENIR 1).
L'URCAM Ile-de-France vient de publier une analyse des pratiques des médecins franciliens qui révèle des résultats encourageants : en prévention secondaire, deux tiers des patients ont un dosage biologique de contrôle et seuls 22,1 % des patients anciens consommateurs sont « surtraités », contre 47 %, par exemple, dans une étude nord américaine comparable. Lorsqu'un régime alimentaire est prescrit et expliqué au patient par le médecin traitant, il est très bien suivi surtout en prévention secondaire (> 90 %). Ces éléments démontrent l'importance majeure du praticien dans son rôle de conseil.
Mais la prévention secondaire ne doit pas commencer ni s'arrêter avec la maladie coronarienne. Les études ont été réalisées chez des patients souffrant d'insuffisance coronarienne et les recommandations concernent ladite maladie. Cependant, si la localisation initiale de la maladie artérielle se situe sur les artères périphériques (membres inférieurs ou TSA), il y aura à terme un risque d'atteinte coronarienne. Les études épidémiologiques montrent schématiquement qu'en cas de double atteinte périphérique, le risque coronarien dépasse 60 %... Les études réalisées ont révélé que les statines avaient aussi un effet préventif sur la survenue des AVC (CARE et LIPID) et, en cas d'artériopathie des membres inférieurs, sur la survenue d'un accident coronarien (4S). Par rapport à ces études, le travail de l'URCAM Ile-de-France a conclu que des progrès ont été obtenus dans la prescription des statines. Cependant, l'application des recommandations théoriques est difficile sur le terrain, notamment en ce qui concerne l'objectif des valeurs cibles initialement proposé : LDL < 1 g/l en prévention secondaire (l'AFSSAPS propose de le ramener à la valeur seuil < 1,3 g/l). De même, les contrôles biologiques ne sont pas suffisamment demandés, mais il est vrai que la rédaction de la RMO concernant la prescription d'une exploration d'une anomalie lipidique ( EAL) avait un caractère franchement dissuasif, allant à l'encontre même de l'objectif à atteindre. Une application pragmatique est devenue indispensable : lorsqu'un patient présente des facteurs de risque, il faut prescrire d'emblée une EAL. Et lorsqu'un patient est traité pour une hypercholestérolémie en prévention primaire et surtout en prévention secondaire, des EAL régulières - et non pas uniquement de cholestérol total - doivent être pratiquées.
D'après un entretien avec le Dr Jean-François Thébaut, hôpital privé Nord parisien (Sarcelles).
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