Selon, le Dr Michel Beaufils, « les complications rénales des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (AAII) est un sujet qui continue de préoccuper les cardiologues, à tort ».« Certes, reprend le néphrologue, historiquement, on a décrit des glomérulonéphrites extramembraneuses avec de très fortes doses de captopril, et de façon épisodique, on continue de décrire de très rares autres néphropathies. » Mais, la préoccupation essentielle est la survenue d'une insuffisance rénale fonctionnelle aiguë, en général asymptomatique, non oligurique qui comporte un haut risque d'hyperkaliémie mais demeure parfaitement réversible.
Une pharmacovigilance très pauvre
Déterminer l'incidence des complications rénales au cours d'un traitement par IEC relève d'un pari difficile. Dans la littérature, il n'existe que quelques chiffres de pharmacovigilance : le plus élevé est de 0,7 % pour l'énalapril, ce qui montre à quel point le phénomène est rare. Les auteurs qui ont tenté de reprendre des séries sur l'insuffisance rénale aiguë de cause médicamenteuse ont montré que les AINS en sont les plus fréquemment responsables, les IEC n'occupant qu'une place très réduite.
Le rôle physiologique de l'angiotensine
« Nous devons rappeler que le sang arrive au rein par une artère afférente, qu'il en ressort par une artère efférente, qu'il existe un gradient de pression entre les deux, que ce gradient de pression représente la pression qui règne dans la chambre glomérulaire, soit la pression de filtration », explique le Dr Beaufils. Physiologiquement, tout se passe comme si l'angiotensine générait une vasoconstriction de l'artère efférente. Se faisant, elle augmente la pression dans la chambre glomérulaire, et maintient le débit de filtration. Une sténose de l'artère rénale crée une résistance préglomérulaire et l'angiotensine « sauve la mise » en induisant une vasoconstriction postglomérulaire, moyennant quoi, malgré le petit débit préglomérulaire, elle maintient une pression suffisante dans la chambre glomérulaire et préserve la filtration. « Dans ce cas,supprimer la résistance postglomérulaire par un IEC effondre le débit de filtration glomérulaire », remarque le Dr Beaufils.
La sténose de l'artère rénale et autres facteurs de risque
L'insuffisance rénale aiguë après prise d'IEC ou d'AAII ne peut donc survenir que chez des patients présentant une sténose bilatérale des artères rénales, une sténose sur rein unique, voire chez des sujets polyartériels atteints de lésions vasculaires diffuses. Les facteurs de risque individuels de cette complication sont l'âge élevé, l'existence d'une maladie vasculaire, d'une gammapathie monoclonale, d'une déshydratation extracellulaire et l'association à des doses élevées de diurétiques de l'anse ou d'AINS.
L'effet néphroprotecteur
« Physiologiquement, les IEC et les AAII réduisent la résistance postglomérulaire, la fraction de filtration et surtout la pression dans la chambre glomérulaire, et d'une façon remarquable, la protéinurie dans à peu près n'importe quelle néphropathie, insiste le Dr Beaufils. Ils ralentissent la sclérose glomérulaire. Et fondamentalement, poursuit le néphrologue, ces produits ne sont pas néphrotoxiques, mais au contraire néphroprotecteurs. »
En pratique, les IEC et les AAII ne méritent absolument pas la crainte qu'ils inspirent. La seule règle d'or qui prévaut est la suivante : plus le sujet est à risque, plus il faut surveiller de près l'évolution de la créatinine en considérant comme critère d'alarme et éventuellement, comme motif d'arrêt du traitement, le doublement de la créatinine plasmatique.
D'après la communication du Dr Michel Beaufils (hôpital Tenon, Paris)
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