Après angioplastie par stent actif

L’effet bénéfique d’une double anti-agrégation prolongée

Publié le 26/01/2015
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La réduction du taux de  thrombose est constante, indépendemment du stent utilisé

La réduction du taux de thrombose est constante, indépendemment du stent utilisé
Crédit photo : PHANIE

L’étude DAPT conduite par Laura Mauri (Boston) et publiée dans le NEJM (*) visait à comparer deux durées de bithérapie antiplaquettaire (DAPT) chez des patients coronariens traités par stents actifs (DES). Les patients étaient randomisés pour recevoir, en association avec de l’aspirine, une thiénopyridine (clopidogrel/prasugrel) pendant 12 ou 30 mois. Le critère de jugement primaire était double d’une part les thromboses de stent et d’autre part les MACCE tels que définis habituellement (décès, infarctus du myocarde et AVC), les événements hémorragiques appréciés selon les critères GUSTO représentant le safety endpoint.

Pour être randomisés dans la phase évaluant le traitement prolongé, les patients ne devaient avoir eu aucun événement ischémique ou hémorragique durant la première année suivant l’angioplastie. Par conséquent, les résultats ne peuvent pas être extrapolés à la catégorie de patients à très hauts risques représentés par ceux ayant eu un tel événement. Plus globalement, les patients inclus dans cette étude semblent avoir été très sélectionnés puisque plus de 22 000 coronariens furent enrôlés pour finalement n’en randomiser, après tirage au sort, « que » 9 961.

Le protocole de l’étude autorisait l’implantation de différentes générations de stents actifs (DES) : Taxus, Cypher, Endeavour ou les plus récents Promus et Xience. Ces derniers ont été cependant moins utilisés (moins d’une endoprothèse sur quatre). Remarquons également qu’environ 1/3 des patients a reçu du prasugrel. Enfin le profil de patients était varié avec 1/4 d’infarctus du myocarde.

Les résultats ont montré que 30 mois de DAPT réduisent significativement le taux de thrombose de stent en comparaison avec la durée habituelle de 12 mois (0,4 versus 1,4 %, p ‹ 0,001) ainsi que la survenue de MACCE (4,3 versus 5,9 %, p ‹ 0,001). Ce bénéfice en terme d’événement ischémique, bien que modeste, existe quel que soit le stent utilisé. Le corollaire de la prolongation de la bithérapie est une augmentation significative du risque hémorragique majeur (2,5 versus 1,6 %).

La mortalité toute cause n’a pas été significativement différente entre les deux groupes bien qu’il y ait eu une tendance vers un surrisque dans le groupe ayant eu le traitement double pendant 30 mois (2,0 versus 1,5 %, p = 0,05).

(*) N Engl J Med. 2014 Dec 4;371(23):2155-66

Deux enseignements peuvent être tirés de cette étude allant à l’encontre de la tendance récente qui visait à réduire la durée de la DAPT :

1/ Trente mois de DAPT permettent de réduire significativement le taux d’événements ischémiques survenant au sein de l’endoprothèse implantée mais également sur le reste du réseau artériel au prix d’un surrisque hémorragique et d’une tendance non significative vers une surmortalité dont le mécanisme reste à éclaircir.

2/ Il existe un risque accru d’événement dans le trimestre suivant l’arrêt d’un des anti-aggrégants quelle que soit la durée de la DAPT : effet rebond ou simple levée du bouclier de protection liée à la DAPT ?

Basées sur différents essais, les recommandations européennes autorisent la réduction à 6 mois de la DAPT chez les patients stables traités par DES. En effet de nombreuses études ont évalué l’effet d’une réduction de la durée de la bithérapie après implantation d’un stent actif. Pourtant ces études présentaient toutes la même limitation : un effectif inadéquat pour tester l’hypothèse. L‘étude DAPT est donc une étude essentielle afin de mieux cerner la durée optimale de la bithérapie chez les patients traités par angioplastie.

Cette étude démontre que contrairement aux évolutions récentes des pratiques et des recommandations ainsi qu’aux idées reçues sur les stents actifs de dernière génération, dans la maladie coronaire traitée par angioplastie avec stents actifs, la prolongation de la bithérapie réduit le risque ischémique. Ce bénéfice est partiellement contre balancé par un sur risque hémorragique et n’influe par sur la mortalité. En conséquence il s’agit une fois de plus de souligner le rôle essentiel du prescripteur pour apprécier la balance ischémie/hémorragie chez un patient et déterminer au mieux la durée idéale de cette bithérapie. Les cartes et les connaissances sont entre nos mains, à nous de nous adapter…

Dr Marc Laine, Dr Mélanie Gaubert, Pr Franck Paganelli, Dr Laurent Bonello (CHU Marseille Nord)

Source : Congrès spécialiste