Leem et Ceps inventent des freins expérimentaux

LES ENTREPRISES du médicament (Leem) et le Comité économique des produits de santé (Ceps, chargé de fixer le prix des spécialités pharmaceutiques au sein du ministère de la Santé) se sont mis d'accord pour compléter la charte de la visite médicale datée du 22 décembre 2004 par « un dispositif expérimental de maîtrise promotionnelle » valable trois ans, de 2006 à 2008, et révisable.
Signé le 21 juillet dernier, cet avenant à la charte permet au Ceps d' « arrêter chaque année la liste des classes pharmacothérapeutiques (...) pour lesquelles il estime qu'une réduction de la visite médicale est nécessaire ».
Le choix des classes thérapeutiques relève d'une « chaîne de responsabilités », fait valoir Pierre Le Sourd, président du Leem, puisqu'il se fera après consultation de ce syndicat professionnel, de la Haute Autorité de santé (HAS), de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) et des représentants des médecins. Les critères de choix, rendus publics, s'appuieront sur le bon usage du médicament, les objectifs de santé publique ou de maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance-maladie. Les premières classes thérapeutiques concernées ne seront connues qu'au « dernier trimestre de cette année », selon le président du Ceps Noël Renaudin, mais certains industriels subodorent que les statines et les anxiolytiques seraient d'ores et déjà visés.
Une fois les classes choisies, le Ceps fixera, pour chacune d'entre elles, « après consultation du Leem et des entreprises concernées », un taux annuel d'évolution du nombre de contacts avec les médecins réalisés par les délégués médicaux (2005 étant l'exercice de référence). Les taux excluront les médicaments appartenant à des groupes génériques et tiendront compte du lancement des produits nouveaux. Dans un communiqué, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, qui « se félicite » de la signature de l'avenant, précise que « si ces taux ne sont pas atteints, les prix des médicaments concernés pourront être baissés » de manière temporaire ou définitive.
Ce « sujet très chaud » -  dixit Noël Renaudin - de l'encadrement de l'évolution des visites médicales avait été évoqué à la fin de l'année dernière, au moment des discussions sur la charte prévue par la loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l'assurance-maladie. Le Leem et le Ceps avaient alors convenu de régler le problème dans un délai de six mois afin de ne pas faire achopper la signature d'une charte négociée avant le 31 décembre. L'affaire a rebondi à ma mi-juin lorsque Noël Renaudin a fait part dans nos colonnes (« le Quotidien » du 17 juin) de sa volonté de « résoudre la question du quantitatif dans les visites médicales », pour « mettre fin aux abus » et enrayer ainsi l' « escalade de la promotion ». D'où les inquiétudes du Leem sur la mise en place éventuelle de quotas qu'il « n'acceptera jamais, car il n'est pas possible de les définir », comme le rappelle Pierre Le Sourd.

Modus vivendi.
L'avenant du 21 juillet semble finalement contenter les deux parties. S'inscrivant dans « une dynamique de qualité », le texte reflète « l'objectif partagé d'améliorer le contenu (de la visite médicale) par rapport à la fréquence », indique le président du Leem. La « conclusion contractuelle (de l'affaire) est mieux pour l'Etat car c'est quelque chose qui va durer », fait remarquer Noël Renaudin. Cette « solution négociée, renchérit Pierre Le Sourd, éloigne tout risque de décision unilatérale des pouvoirs publics », tout en garantissant selon lui l'accès au marché et la libre concurrence.
L'emploi, chez les 24 000 visiteurs ou délégués médicaux, est-il quant à lui menacé ? Pour le président du Ceps, « l'objectif n'est certainement pas de réduire les effectifs de la visite médicale mais de les redéployer », afin, explique-t-il, de « freiner la vitesse de l'effet structure, les médicaments les plus récents étant considérablement plus promus que les plus anciens ».