> Antiquités
NABOKOV se définissait lui-même comme « un auteur américain, né en Russie (en 1889) et formé en Angleterre par l'étude des textes français ». C'est donc en russe que paraissent entre les deux guerres ses premiers écrits. On y verra l'édition originales de « Grozd' », la Grappe, recueil de poèmes publié à Berlin en 1923, rare exemplaire estimé 40 000/50 000 euros. On a aussi l'originale de « Dar », dernier roman en russe paru à New York en 1952, onze ans après le premier ouvrage rédigé en anglais, « la Vraie Vie de Sébastien Knight » (Norfolk 1941) dédicacé « To my love, Véra ».
Ce n'est pas l'ordre chronologique qui a été adopté pour le catalogue, mais l'ordre alphabétique. Ainsi se retrouve en tête « Ada ou l'Ardeur », ouvrage majeur publié à New York en 1969, dont l'original est crédité d'une des plus fortes estimations (80 000/100 000 euros). « Lolita », parue quatorze ans plus tôt, forme le cœur de la série, dans dix éditions différentes.
Curieusement, on n'y trouvera pas l'originale, parue à Paris en anglais en 1955. La première est la traduction danoise de 1957, la plus chère est celle de New York de 1958, estimée 80 000/100 000 euros.
Le fils bien aimé.
Entre les ouvrages en russe et ceux en anglais, les éditions de Berlin ou New York et les traductions multiples, c'est une chose compliquée que l'œuvre de Nabokov. Ce polyglotte se méfiait des traducteurs. Le seul, autre que lui-même, à qui il fait confiance, c'est son fils Dmitri, né en 1934, « Mitchioucha », comme il l'appelle affectueusement. Cet amour et cette confiance se reflètent dans plusieurs de ses envois. En 1959, il lui dédicace la traduction anglaise de « Dar » (le Don) en plusieurs langues dont le français : « Au meilleur des traducteurs » ; en 1965, « The Eye » (le Guetteur) est dédié en russe « Au cher traducteur et fils très aimé » ; l'année suivante c'est « The Waltz Invention » qui est envoyée « au cher traducteur et fils cher ». En 1975, Dmitri retourne le compliment à son père sur sa traduction italienne de « Transparent Things » : « A l'auteur bien aimé du traducteur bien aimé ».
La même tendresse, conjugale celle-là, transparaît dans les multiples envois à son épouse Véra, en russe ou en anglais, ou parfois les deux : « A ma chère petite âme », « To my love Vera », ou en latino-italien: « Verinka mia cum amor ». En 1958, « Laughter in the Dark », le verso de la couverture est orné d'un papillon posé sur un brin d'herbe avec la légende « Papilionita Verae » unissant le nom de la femme aimée, celui de Lolita et une passion pour les papillons qui remonte à son enfance.
Les gracieux insectes accompagnent les envois et réunissent tous ces ouvrages à la manière d'une farandole multicolore ou d'un ex-libris virevoltant. Nabokov les dessine aux crayons ou aux encres de couleurs, à la manière de l'entomologiste qu'il était devenu. N'a-t-il pas découvert et identifié lui-même deux espèces nouvelles ? Les plus beaux sont les plus colorés des années 1960/1970. Ils entrent pour une large part dans la valeur de chacun de ces ouvrages. Trois d'entre eux sont estimés entre 80 000 et 100 000 euros. Le premier, « Ada », s'ouvre sur un « Parnassius concinnus » sur fond jaune, l'édition de 1958 de Lolita est agrémentée d'un petit papillon bleu et rose et, en 1971, Nabokov en dessine deux sur « Poems et Problems », dédicacé à sa femme.
Des bestioles hautes en couleur ornent aussi un recueil de textes critiques proposé à 25 000/30 000 euros et un livre de ?????comptes ??????? de Véra, dédicacé par son époux, dont la magnifique couverture rouge s'enorgueillit d'un magnifique lépidoptère arc-en-ciel aux ailes déployées qui lui confère une valeur de 15 000/20 000 euros.
Bibliothèque Nabokov, mercredi 5 mai, 15 h, Hôtel des Bergues, 33, quai des Bergues, Tajan.
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