La santé en librairie
Soigner la souffrance de l'exil
« L'exil est une souffrance », affirment d'un seul chur deux auteurs qui ont même métier actuel et même expérience personnelle de migration. L'un est Tobie Nathan, qui continue de prolonger son travail de terrain de pionnier de l'ethnopsychiatrie par des livres de présentation au public. L'autre, Rébecca Duvillié, ancienne institutrice devenue psychologue scolaire, recourt désormais aux outils ethnopsychiatriques pour venir en aide aux enfants en difficulté à l'école.
Le premier, encore tout meurtri des attaques dont lui-même et la discipline qu'il défend ont pu faire l'objet, s'applique d'abord et avant tout à réfuter pas à pas les arguments de ses adversaires. Ce faisant, il précise sa pensée, revient sur la notion générale de psychothérapie, technique d'influence comme le savent ses lecteurs de la première heure, défend sa pratique ethnopsychiatrique en en soulignant les limites et, finalement, nous convainc bel et bien, après des voyages aux quatre coins du monde et des cultures, qu'il est illusoire de croire à l'universalité et à la constance des vérités pour l'homme : non, « nous ne sommes pas seuls au monde ».
Rébecca Duvillié n'a que faire des débats d'école. Née de père grec, de mère italienne, et désormais psychologue française, elle a vite découvert, au contact des enfants de migrants en échec scolaire, que « nos techniques ne convenaient pas à ces enfants ». Et pourtant, les études le confirmaient à l'évidence, ces enfants avaient plus souvent et plus encore que d'autres, besoin d'aide : la migration de leurs parents, la leur quand ils ne sont pas nés en France, le milieu défavorisé dont font souvent partie les migrants, leur regroupement dans certains quartiers, l'incompréhension réciproque entre enseignants et enfants de cultures différentes, tout concourt en effet à la souffrance et à l'inadaptation de tels enfants.
La psychologue a trouvé une réponse en créant la première consultation d'ethnopsychiatrie en milieu scolaire. L'histoire de Bakari le petit Malien montre comment, avec l'aide des connaissances anthropologiques et psychanalytiques, les thérapeutes rendent l'enfant et la famille à leur histoire et à leur culture et permettent ainsi de rétablir le lien entre les deux univers, africain et français, jusque-là séparés, et entre l'enfant et l'école.
Mais c'est aussi à la psychologie générale que l'expérience peut apporter du grain à moudre, estime l'auteur, pour laquelle la résilience n'est pas un vain mot : en rétablissant les parents « dans leur dignité et leur compétence » et en leur donnant ainsi « la possibilité d'être reconnus par leurs enfants », l'ethnopsychiatrie clinique rend aussi à ces derniers, explique-t-elle, les indispensables tuteurs sur lesquels tout enfant doit s'appuyer pour pouvoir grandir.
« Nous ne sommes pas seuls au monde », Tobie Nathan, « les Empêcheurs de penser en rond », Le Seuil, 311 pages, 16,77 euros (110 F).
« Un ethnopsychiatre à l'école », Rébecca Duvillié, Bayard Editions, 173 pages, 16,77 euros (110 F).
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