Leçon de style

En cette saison 2011-2012 où la Comédie-Française prochainement en travaux a programmé des spectacles hors norme par leur durée et leur statut dans le répertoire, comme la trilogie de la Villégiature de Carlo Goldoni et Peer Gynt d’Ibsen, le théâtre peut se goûter, se rêver aussi dans le livre. Et imaginer alors un spectacle total, loin des conventions et des règles, où prime la beauté de la langue, la grandeur de l’âme, le sens dramaturgique. Avec la nouvelle édition du théâtre de Paul Claudel, le lecteur est ainsi invité à revisiter la pièce française la plus baroque du répertoire, peut-être la plus inventive, mais aussi la plus longue, « le Soulier de satin ». Les clichés autour de l’auteur ont parfois éloigné de l’œuvre. Pourtant, ce chef-d’œuvre puise à toutes les sources et ne peut être réduit à une seule tradition. On y rencontre « des pêcheurs, une négresse, un licencié en théologie chinois, un proxénète napolitain, un renégat hollandais et toutes sortes de créatures comme il en passait sur l’Atlantique il y a deux siècles dans le bruit des trompettes et la lumière des coups de canon », selon le résumé qu’en donne Paul Claudel lui-même. Mais aussi et surtout les deux héros Don Rodrigue et Dona Prouhèze en proie à un amour impossible. En cette grise rentrée qui paraît avoir abandonné le lyrisme, la beauté à des temps meilleurs, il s’agit tout simplement de donner à voir le visible et l’invisible et de conquérir un nouveau monde.