CHEF DU SERVICE d'anatomopathologie de 1970 à 1985 à l'hôpital Raymond-Poincaré, à Garches, puis, de 1985 à 1997, à Ambroise-Paré, à Boulogne, deux établissements des Hauts-de-Seine de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Pr Claude Got a vécu la période critique de l'hormone de croissance extractive (HCE). De 1983 à 1985, la France a accusé un taux de MCJ (maladie de Creutzfeldt-Jakob) liée à l'HCE de 4,4 %, contre 2,2 % en Grande-Bretagne et 0,3 % aux Etats-Unis.
Entendu en 1992-1993, dans le cadre de l'instruction sur l'hormone contaminée conduite par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, Claude Got apprend de l'officier de police judiciaire qui l'interroge que les prélèvements d'hypophyses par voie endo-nasale sans autopsie à Ambroise-Paré sont les plus fréquents. «Seulement 10% des malades décédés y étaient autopsiés.» «A Garches, tout le monde savait que j'étais opposé à ce mode de prélèvement avec trocart (méthode dite du Dr Balouet, de Brest, NDLR) et bakchich aux garçons d'amphithéâtre», affirme le praticien, qui parle dans ce cas de «98% des décès autopsiés».
«Dès le début des années 1970, nous, anapath, avions répondu positivement à la demande de traitements par HCE», formulée par France-Hypophyse, créée en 1973, selon des indications précises, de type tumeur hypophysaire ou absence complète de croissance, et dans des conditions d'extraction nécessitant une attention particulière, comme le signifie un courrier aux services concernés du directeur de l'AP-HP, Gabriel Pallez. «Ainsi, Garches affiche le taux d'hypophyses non retenues pour contre-indications (problèmes infectieux, cancers…) le plus important», souligne le Pr Got, en mettant l'accent sur une suspicion de MCJ à partir d'un dossier clinique confirmée dans les mois suivant l'autopsie. A Ambroise-Paré, «on ne demandait pas l'avis» du Pr Got, témoigne ce dernier, «les gens de l'amphithéâtre de la morgue qui procédaient aux prélèvements dépendaient de la direction».
La France, analyse le spécialiste, vivait encore dans «l'euphorie médicale» de l'après-guerre, portée par les antibiotiques, les anti-inflammatoires, les orthèses et les prothèses, les reins artificiels et la ventilation assistée. «Ces progrès médicamenteux et techniques ont fait passer au second plan la rigueur qui, aujourd'hui, préside à tous les contrôles de qualité.» Dans tous les cas, «ce n'est qu'au début des années 1990 que nous saurons, tant pour le VIH que pour l'HCE, ce qui s'est passé. La création de l'AFSSAPS (Agence de sécurité sanitaire des produits de santé), structure de veille scientifique indispensable pour se tenir au courant des évolutions, n'a vu le jour qu'en 1999» (loi du 1er juillet 1998). Pour autant, nous ne sommes pas à l'ère du risque zéro, conclut Claude Got, qui regrette la disparition de l'autopsie médico-scientifique (loi boiéthique du 9 juillet 2004) «utile à la compréhension des mécanismes de la mort et, à l'occasion, révélateur d'erreurs de diagnostic». «On veut tout savoir, et on s'empêche de savoir», résume-t-il.
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