Par le Dr Paul-Hubert BENAMOU*
L'AMÉLIORATION des techniques d'imagerie, dominées actuellement par l'échographie et l'IRM, ont permis une meilleure classification des douleurs de la cheville et une meilleure analyse des lésions tendineuses. Certes, l'échographie est satisfaisante dans la plupart des cas, mais l'IRM permet d'avoir des images proches des coupes anatomiques et son utilité est indéniable avant une décision opératoire.
Tendinopathie du muscle tibial postérieur.
La pathologie la plus fréquente est la rupture progressive, d'origine dégénérative, qui apparaît volontiers chez la femme de 50-60 ans dans un contexte de surcharge pondérale, de diabète et d'hypertension artérielle.
Les causes sont l'usure du tendon sur
la poulie de réflexion qu'est la malléole médiale, une ténosynovite sténosante préexistante détériorant progressivement le tendon, ainsi que l'hypothétique rupture par hypovascularisation localisée.
La symptomatologie varie selon le stade clinique. L'examen met en évidence la perte de force musculaire du muscle tibial postérieur et la déformation caractéristique de la cheville. La rupture du muscle tibial postérieur est la première hypothèse à évoquer devant un pied plat valgus asymétrique acquis chez un adulte de la cinquantaine (figure 2).
L'IRM permet un diagnostic précoce en cas de rupture car, si celle-ci est suspectée en phase aiguë, il n'en est plus de même quand hématome et œdème locaux masquent ces lésions (figure 3).
Tendinopathies du tendon calcanéen.
Les modifications dégénératives sont fréquentes dans les tendons du sujet de plus de 35 ans.
L'altération du tendon provoque essentiellement trois types de lésions :
- les péritendinopathies avec inflammation de la gaine séreuse du tendon et œdème diffus (figure 4) ;
- les tendinoses avec des tuméfactions du corps du tendon. Ces nodules correspondent à des zones de rupture avec cicatrisation secondaire ;
- la pathologie d'insertion calcanéenne qui induit :
• les bursites préachilléennes (achillodynie),
• les bursites rétro-achilléennes,
• les lésions d'insertion proprement dites, qui correspondent à des enthésites par désinsertion ou dégénérescence au niveau de l'insertion des fibres tendineuses sur le calcaneus.
La rupture complète peut survenir sur des lésions dégénératives, mais aussi sur un tendon sain.
La radiographie au mammographe est aussi performante que l'IRM pour le diagnostic de tendinopathie chronique.
L'échographie donne des renseignements utiles sur la morphologie et la structure du tendon, mais la technique doit être rigoureuse et l'opérateur expérimenté.
Seule l'IRM permet de déceler les microruptures. Le diagnostic de rupture complète par IRM est un luxe : elle doit être réservée à des cas particuliers comme les bilans préopératoires ou les diagnostics différentiels difficiles.
Tendinopathies du tendon tibial antérieur.
Les tendinopathies chroniques du muscle tibial antérieur sont rares. La pathologie la plus fréquente est la rupture tendineuse chez un sujet de plus de 50 ans, spontanément ou au cours d'un traumatisme mineur (figures 5 et 6).
Le diagnostic est souvent tardif car la douleur est modérée. Le patient présente un steppage, mais la compensation par les muscles extenseurs des orteils permet une marche subnormale.
La marche sur les talons est impossible et le tendon n'est plus palpé lors de la flexion dorsale contrariée du pied.
Le traitement est chirurgical en cas de rupture récente, mais l'abstention chirurgicale est recommandée dans les lésions anciennes.
Tendinopathies des fibulaires. En dehors de la luxation tendineuse traumatique, la pathologie des fibulaires s'est enrichie d'autres tableaux à type de subluxations et de fissurations :
- La fissuration longitudinale du court fibulaire se produit dans sa portion rétromalléolaire. Elle débute au niveau de la pointe de la malléole latérale et peut s'étendre sur 5 cm. Elle survient le plus souvent dans les suites d'un traumatisme de varus équin.
Deux mécanismes sont évoqués :
• l'écrasement répétitif du court fibulaire par le long fibulaire sur la malléole latérale (figure 7) ;
• la subluxation du court fibulaire entraînant une déchirure tendineuse au niveau de la crête postéro-latérale de la malléole latérale.
- Les tendinopathies du muscle long fibulaire sont plus rares et situées en zone plus distale, entre la pointe de la malléole latérale et le tubercule de la tubérosité du cuboïde (présence fréquente d'une hypertrophie du tubercule des tendons des muscles fibulaires du calcaneus).
Cliniquement, ce sont des douleurs de la face latérale de la cheville entre la malléole latérale et l'os cuboïde.
Tendinopathies du muscle long fléchisseur de l'hallux.
Elles touchent surtout les sportifs faisant des mouvements répétitifs de flexion-extension sur la pointe des pieds.
Le muscle fléchisseur de l'hallux est vulnérable lors de son passage au niveau de la face postérieure du talus.
Parfois, un blocage de l'hallux peut se produire par tendinite sténosante du long fléchisseur de l'hallux dans sa coulisse. C'est un « pseudo-hallux rigidus » (figure 8).
Tendinopathies de l'extenseur propre de l'hallux.
Elles se présentent sous forme de ténosynoviopathies crépitantes ou sténosantes, surtout posttraumatiques ou microtraumatiques.
Elles sont provoquées par la répétition prolongée et fréquente d'un même mouvement (ouvrier, sportif, militaire) (figure 9).
Conclusion. Il semble exister une certaine progression de la gravité anatomique des lésions, avec des possibilités de réparation spontanée.
Dans une gaine synoviale, la lésion initiale est un œdème suivi d'une activation fibroblastique aboutissant à une fibrose.
Pour un tendon : œdème, fissuration, puis nécrose avec rupture et, enfin, fibrose avec néovascularisation.
Dans les tendinopathies dégénératives, il n'y a jamais de signe histologique d'inflammation.
* Antony.
Président de la Fédération de rhumatologie
d'Ile-de-France, président d'honneur de la Société française de médecine et chirurgie du pied
et directeur de rédaction de la revue « Médecine
et chirurgie du pied ».
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