Neuropsychologie et épilepsie

L'échec scolaire n'est pas une fatalité

Publié le 09/04/2007
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UNE CRISE D'EPILEPSIE est secondaire à des décharges électriques excessives d'un groupe ou de l'ensemble des neurones. L'épilepsie est une maladie qui se définit par la répétition de ces crises. Compte tenu des multiples causes et formes d'expression de ces épisodes et de leur évolution, il n'y a pas une, mais des épilepsies.

Cette définition, si elle a le mérite d'être exacte, n'en est pas moins incomplète. De ce strict point de vue, le traitement se limite à faire disparaître les crises ou à en réduire le nombre. Or cette maladie induit une intrication de problèmes cognitifs, comportementaux, psychosociaux, et peut provoquer, chez l'enfant, d'importants troubles de l'apprentissage.

«L'épilepsie doit tenir une place à part dans les maladies chroniques de l'enfance, estime le Dr Delphine Coste-Zeitoun, neuropédiatre, car elle est susceptible de modifier le développement de l'enfant dans sa globalité, et en particulier sur le plan des apprentissages scolaires. L'enfance, c'est l'âge du développement et de la maturation cérébrale, le cerveau, s'il a plus de plasticité, est aussi plus fragile, plus sensible aux agressions; c'est l'âge où se mettent en place les capacités cognitives, d'apprentissage et le développement psychoaffectif. Et même si, dans la plupart des cas, l'épilepsie est une maladie bénigne, cela n'empêche pas l'apparition de ces troubles.»

L'intérêt de l'examen neuropsychologique.

Selon le Pr Isabelle Jambaqué, neuropsychologue et maître de conférences à Paris-V, réduire l'épilepsie à une succession de crises revient à ignorer l'origine de ces troubles qui conduisent un tiers des enfants épileptiques à l'échec scolaire : «On a longtemps associé épilepsie et retard mental. Or la plupart de ces enfants ont une efficience intellectuelle normale, donc, en cas de difficultés scolaires, un bilan de QI ne donnera rien. Il s'agit bien de troubles d'apprentissage et il faut en connaître l'origine précise. L'examen neuropsychologique a pour objectif d'évaluer les compétences et les insuffisances dans les différents domaines de la cognition: langage, attention, mémoire, fonctions visuo-spatiales et fonctions exécutives.»

La neuropsychologie étudie les rapports entre les troubles cognitifs, les structures cérébrales et le comportement. Les répercussions du dysfonctionnement cérébral seront différentes selon les zones cérébrales impliquées. S'appuyant sur la neuroradiologie et le concept de localisation cérébrale, l'examen neuropsychologique permet de mieux comprendre l'origine de la difficulté scolaire, de la relier à un trouble cognitif précis et de décider d'une rééducation, d'un soutien adapté. «Par exemple, dans le cas d'un trouble de la mémoire, poursuit le Pr Jambaqué, il est très important de préciser si le trouble reflète un dysfonctionnement de l'attention, un déficit du traitement du langage ou encore une perturbation affective. La prise en charge rééducative se fera en fonction du trouble dépisté.»

Une prise en charge globale dont n'a pas profité la fille de ce couple venu témoigner, qui a aujourd'hui 26 ans : «Notre fille a bénéficié, dès l'âge de 10ans, d'un traitement médicamenteux pour limiter les crises, raconte son père, elle en a aujourd'hui une par mois et éprouve toujours de grandes difficultés de concentration et de mémorisation. Mais jamais les difficultés de comportement qu'elle a toujours eues, dans son rapport aux autres, son incapacité à sentir et analyser les émotions et sentiments des autres, qui en font une jeune femme profondément seule, socialement inadaptée, jamais les médecins qui l'ont prise en charge n'ont relié cette dimension à l'épilepsie. Quant à la scolarité écourtée, on nous a dit, c'est comme ça, un épileptique ne fait pas d'étude.»

Projet personnalisé.

A Paris, un Sessad (service d'éducation spécialisée et de soins à domicile), spécialisé dans la prise en charge d'enfants épileptiques, offre cette nouvelle approche de la maladie, avec pour objectif l'intégration scolaire et sociale de ces enfants : en plus du traitement des crises, qui reste indispensable, un bilan neuropsychologique est proposé, en vue d'établir projet personnalisé (orthophoniste, psychologue, kinésithérapeute). Mais, surtout, le Sessad travaille en étroite collaboration avec l'école : intervention d'éducateur en classe, si nécessaire, réunions régulières, avec les enseignants, pour mettre en commun les observations de chacun. «Peu nombreux sont les enfants dont l'état justifie à lui seul une prise en charge médicalisée en établissement spécialisé, affirme le Dr Coste-Zeitoun, neuropédiatre au Sessad de Paris. Les traitements actuels permettent le plus souvent une scolarisation en classe ordinaire, avec, dans certains cas, un accompagnement personnalisé qui peut être mis en oeuvre dans le cadre même de la classe, une pédagogie différenciée et une surveillance adaptée pour certaines activités qui entraînent un risque particulier. Dans le cas d'un enfant épileptique qui présente des difficultés de lenteur, si rien n'est fait pour compenser et aider l'élève à effectuer les apprentissages dans des délais compatibles avec une scolarité ordinaire, il risque de se voir proposer une orientation vers une structure spécialisée qui aurait pu être évitée.»

La nécessité de prendre en charge les troubles induits par la maladie est d'autant plus impérieuse que les épilepsies bénignes de l'enfant, qui sont les plus fréquentes, vont dans plus de la moitié des cas disparaître spontanément à l'adolescence, période où les circuits neuronaux atteignent leur complet développement. Les troubles induits par la maladie, eux, s'ils ne sont pas traités, persisteront.

La brochure « Neuropsychologie et Epilepsie » est disponible auprès de la Ffre et téléchargeable sur le site Internet : www.fondation-epilepsie.fr.

> NELLIE PONS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8143