L'HISTOIRE est celle d'une femme de 52 ans, droitière, qui, il y a trois ans, a fait un AVC gauche ayant affecté le lobe insulaire, le putamen et la circonvolution temporale supérieure. A ce terme, l'aphasie persiste et la parole demeure restreinte à des syllabes stéréotypées, sans qu'elle puisse prononcer un mot identifiable. La compréhension du langage est davantage préservée.
En raison d'insomnies occasionnelles, du zolpidem lui est prescrit. A son étonnement et à celui de sa famille, la prise du premier comprimé est suivie d'une amélioration impressionnante de la parole, qui persiste jusqu'au moment du coucher. Le lendemain matin, l'aphasie réapparaît.
Mais le même phénomène se reproduit ensuite systématiquement, à chaque prise de zolpidem : vingt minutes après l'ingestion du comprimé, la patiente parle mieux.
Fragments de phrases, mots justes.
Elle récupère même la parole jusqu'à être capable de s'engager dans une forme de discours signifiant mais télégraphique, formé de fragments de phrase composés de mots choisis avec justesse. Elle devient capable de nommer correctement la plupart des objets et de compter jusqu'à dix.
L'électroencéphalogramme, qui montrait des ondes lentes dans la région temporale, n'est pas modifié sous zolpidem. Le SPECT-scan montrait antérieurement une zone non perfusée chevauchant la lésion, avec une hypoperfusion dans les aires contiguës frontales et pariétales ; trente minute après l'ingestion du comprimé, une augmentation de 35 à 40 % du flux sanguin cortical est observée à gauche dans l'aire de Broca et dans les circonvolutions frontale moyenne et supramarginale, et de manière bilatérale au niveau du cortex orbitofrontal et médial frontal.
Malheureusement pour l'observation, la patiente quitte la France et aucune donnée de suivi n'est disponible.
Le zolpidem, une benzodiazépine, est un agoniste sélectif alpha-1 (sous-unité comprenant des récepteurs à l'acide gamma-aminobutyrique).
A côté de ses propriétés hypnotiques, on sait qu'il peut améliorer la catatonie. Chez les patients présentant un mutisme complet et une akinésie, un traitement par le zolpidem offre une récupération transitoire de l'interaction gestuelle et verbale, apportant une augmentation du flux sanguin cérébral gauche.
Dans le cas de l'aphasie résiduelle qui nous intéresse, les auteurs émettent l'hypothèse que le zolpidem a pu contrecarrer l'effet de blocage d'une structure cérébrale, le noyau lentiforme, sur la production du langage.
« Le zolpidem a pu empêcher transitoirement le diaschisis* dynamique, permettant une amélioration du langage résiduel. »
* Diaschisis : interruption de la continuité fonctionnelle entre neurones ou centres nerveux (Dictionnaire médical Masson).
Laurent Cohen, Bassem Chaaban et Marie-Odile Habert, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, dans le « New England Journal of Medicine », 350 ; 9, 26 février 2004, pp. 950-951.
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