La grippe est une maladie virale très contagieuse. La transmission des virus par voie aérienne est particulièrement efficace. Lors de la toux ou d'éternuements, le virus est excrété dans projections liquides (gouttelettes de Pflügge) où il se trouve en grande quantité. Même s'il ne s'y conserve pas longtemps, il est très virulent et une faible quantité de virus suffit à infecter un sujet sensible. Ainsi, la circulation du virus grippal est étroitement liée à celle des personnes infectées. Les voyages favorisent le passage des virus d'un pays à un autre.
Rappelons que le virus est endémique tout au long de l'année dans les zones intertropicales, où il ne provoque pas d'épidémies franches ; d'une part en raison des conditions climatiques et d'autre part du fait d'un système de surveillance réduit et de la confusion diagnostique avec le dengue. En revanche, son introduction à partir des zones endémiques dans les régions tempérées au moment de la saison hivernale provoque des infections symptomatiques et peut parfois déclencher une épidémie. Ce phénomène se produit entre octobre et avril dans l'hémisphère Nord et de mai à septembre dans l'hémisphère Sud.
Un virus voyageur
Aujourd'hui, aucun pays n'est à plus de vingt-quatre heures d'avion d'un autre. Et les voyages aériens sont devenus un moyen privilégié de diffusion du virus. Plusieurs exemples montrent la réalité de ce phénomène, fondé sur l'échange de virus dans un milieu confiné où se trouve une personne malade et sa dispersion ultérieure dans une population naïve.
C'est ainsi qu'a commencé l'épidémie de grippe Alaska en 1977, qui a largement touché les Etats-Unis. L'histoire est la suivante : l'avion d'un vol régulier est immobilisé par une panne pendant quatre heures sur un aéroport d'Alaska. Il fait froid, les 54 passagers sont dans un milieu confiné. Une jeune femme montée lors de cette escale a un début de grippe. Dans les trois jours qui suivent, 38 des 54 passagers, arrivés à leur destination, tombent malades (72 %). Le virus A/Alaska/77 (H3N2), analogue à A/Texas est isolé. L'épidémie diffuse dans 9 Etats.
Les oiseaux peuvent aussi échanger entre eux des virus grippaux et les transporter sur de longues distances. Tel est le cas des tadornes, canards migrateurs, qui, venus de France, d'Angleterre, d'Irlande et de Russie, se retrouvent pour quelques semaines, l'été, sur une petite île au large du Danemark. Ce rassemblement favorise les échanges viraux et l'entrée de virus nouveaux dans les pays d'origine au retour des oiseaux. Par hybridation avec des virus humains, ces virus « réassortants » sont pathogènes pour l'homme. Porteurs d'antigènes nouveaux, ils peuvent être à l'origine d'épidémies, voire de pandémies.
Surveiller et prévenir
Face à l'importance des voyages dans la dissémination des virus de la grippe, l'implication des services médicaux des aéroports est indispensable ; elle préfigure un système plus généralisé de surveillance et d'identification rapide des maladies infectieuses. Depuis 1992, une collaboration a été établie entre les services médicaux d'ADP (Aéroports de Paris) et le réseau national des GROG (groupes régionaux d'observation de la grippe). Un dispositif permanent dans les aéroports parisiens assure, en cas de suspicion de grippe, les consultations et les prélèvements (nasal ou pharyngé), envoyés à l'institut Pasteur. Une quarantaine de prélèvements sont faits chaque année, donnant lieu à une dizaine de résultats positifs. Et une procédure particulière peut être rapidement mise en place en cas « d'alerte maximale » (grippe du poulet de Hongkong ou virus Ebola par exemple).
Outre le système de surveillance de la dissémination du virus de la grippe, la protection individuelle du voyageur est essentielle. La vaccination reste le meilleur moyen de prévenir la grippe. A ses indications classiques (personnes âgées, sujets fragiles, personnes vivant ou travaillant en collectivités), il est important d'ajouter les voyageurs devant se rendre dans des régions de forte circulation virale ou dans l'autre hémisphère en pleine saison épidémique de grippe.
Pour les voyageurs non vaccinés, une chimioprévention par les inhibiteurs des neuraminidases (INa) pourrait être envisagée. Ces molécules (zanamivir Relenza et oseltamivir, non encore disponible) ont démontré leur intérêt dans le traitement curatif de la grippe. Et des travaux récents ont établi la possibilité d'utiliser les INa en prévention des épidémies grippales dans les collectivités de personnes âgées, en milieu hospitalier ou militaire, ainsi qu'en milieu intrafamilial. L'intérêt d'une telle prophylaxie chez des voyageurs et les personnels des aéroports confrontés à une situation épidémique devrait être établi.
Denise CARO
*Association grippe : recherches, informations, perspectives.
L'AGRIP
L'AGRIP (association grippe : recherches, informations, perspectives) est une association loi de 1901, créée en 1999, qui a pour missions la diffusion des connaissances sur la grippe et l'acquisition de connaissances nouvelles, grâce à la mise en place d'études ou d'enquêtes.
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