EN FRANCE, IL FAUT, avant tout, saluer la victoire du Parti socialiste qui, en quelque sorte, réalise le vœu de l'UMP. Il est bel et bien le premier parti politique de France, alors que toute la stratégie de MM. Chirac, Raffarin et Juppé consistait à faire de l'UMP le parti unique de la droite parlementaire.
L'opiniâtreté de François Bayrou a enfin payé. Avec 12 % des voix, il est à la tête d'un parti avec lequel l'UMP devra compter. Or, non seulement M. Bayrou triomphe, mais ses interlocuteurs au pouvoir savent qu'il ne participera au gouvernement que s'il obtient l'inclusion de ses idées dans leur programme. L'UDF devient donc une force de proposition qui sera écoutée par nécessité.
Moins tragique qu'aux régionales.
Cependant, si l'UMP échoue par rapport à ses ambitions affichées, elle fait un bien meilleur score qu'aux régionales si l'on tient compte du fait que quatre listes de la droite classique se présentaient aux élections et que, traditionnellement, les gaullistes, donc le RPR d'autrefois, perdent une partie de leur électorat aux européennes au profit des souverainistes comme Philippe de Villiers, qui a quand même réuni plus de 7 % de l'électorat. Sans parler de l'UDF, parti européen par excellence, qui convient donc aux électeurs favorables au développement de l'UE.
Jean-Pierre Raffarin a été mal inspiré de ne commenter que l'Euro (celui du football) dimanche soir et d'avoir attendu lundi soir pour se présenter sur un plateau de télévision. Il aurait pu très vite prononcer le commentaire réaliste de François Baroin. Il n'y a pas de honte à reconnaître une défaite, d'autant que celle-ci, comparée à celle des régionales, est relative. L'UMP a tout de même sauvé les meubles et, s'il y a eu un vote à gauche, le vote sanction est beaucoup moins visible qu'en mars. Entre la gauche et la droite, il y a cinq points de pourcentage et 841 000 électeurs. A 10 %, le Front national est affaibli. Les Verts et le PC progressent à peine, l'extrême gauche est balayée. La gauche est donc majoritaire, mais les effets de sa victoire ne sont pas aussi impressionnants qu'aux régionales.
TOUS LES GOUVERNEMENTS EN PLACE ONT PAYÉ POUR LE CH[239]MAGE
Juppé, le grand perdant.
Le très grand perdant de cette affaire, c'est Alain Juppé. Son projet de parti monolithique s'effritait, il vient de s'effondrer. Il avait déjà annoncé qu'il se retirerait de la présidence du parti. Désormais, ce retrait est inéluctable. Poursuivie par les socialistes, la campagne de harcèlement contre Jean-Pierre Raffarin devient contre-productive : si Jacques Chirac a décidé in petto de lui demander de partir, il ne souhaite pas céder aux exigences de l'opposition.
Les socialistes ont tout à fait raison de clamer leur victoire. Il demeure que Jacques Chirac et sa majorité sont au pouvoir pour encore trois ans. L'opposition ne peut pas les en déloger. Et trois ans, c'est long.
Certes, des erreurs peuvent être commises de nouveau : par exemple, il serait désastreux de ne pas faire entrer deux ou trois UDF de plus dans le gouvernement ou de renoncer aux réformes, comme cela semble le cas pour EDF. Mais M. Chirac (sinon M. Raffarin) peut avoir de la chance, sous la forme par exemple d'une reprise de la croissance en 2005 et 2006 et d'une baisse de deux à trois points du taux de chômage. Cela suffirait pour inverser le sens de l'histoire.
La leçon pour l'Europe.
Au niveau européen, les élections révèlent quelques traits communs au continent :
- Les électeurs ont porté leurs coups contre le parti au pouvoir, surtout en Allemagne où le SPD de Gerhard Schröder est écrasé par la CDU-CSU. Jamais les sociaux-démocrates allemands n'avaient subi pareille défaite. Même analyse pour l'Italie, où Forza italia de Silvio Berlusconi perd cinq points de pourcentage et surtout pour le Royaume-Uni où les travaillistes de Tony Blair ont été laminés, notamment après l'entrée en lice d'un nouveau parti antieuropéen dont l'influence va peser lors du référendum sur la Constitution des Vingt-cinq et empêchera sans doute l'adoption de l'euro par la Grande-Bretagne.
- L'absentéisme prend des proportions scandaleuses, pas seulement dans les Etats membres de la « vieille » Europe, mais chez les nouveaux venus, dont les gouvernements étaient fort désireux d'accéder à l'Union ; mais, de toute évidence, ces gouvernements ne sont pas suivis par leurs peuples, qui sont aussi inquiets de leur adhésion à l'UE que le sont les populations des Quinze.
- L'élargissement était-il une bonne idée ? Pendant que l'Union s'étend vers l'Est, on s'aperçoit que le Royaume-Uni, le plus à l'Ouest des membres, est de nouveau saisi par la tentation insulaire. M. Blair, qui a fait un coup d'éclat lorsqu'il a annoncé le référendum, risque de payer cette idée très cher.
- Les difficultés économiques expliquent tout. De droite ou de gauche, les gouvernements en place paient pour le chômage (20 % en Pologne), une croissance trop faible, des réformes à la fois indispensables, mais très douloureuses en période de vaches maigres.
Deux exceptions cependant : la Grande-Bretagne, où M. Blair ne peut plus remonter la pente sur laquelle il glisse depuis l'invasion de l'Irak, en dépit de bons résultats économiques ; et l'Espagne, où M. Zapatero (socialiste) bénéficie du rapatriement des troupes espagnoles d'Irak.
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