Oui, les généralistes continuent, vaille que vaille, à assurer leurs tours de garde. Tel est le premier enseignement que livre la dernière enquête du Conseil national de l’Ordre sur l’état des lieux de la permanence des soins en janvier 2011. Ils sont ainsi au minimum 60 % de généralistes libéraux à participer aux tableaux de garde dans deux tiers des départements. Mais pour encore combien de temps ? En effet, comme le relèvent les auteurs de l’étude, « on constate, après analyse département par département, une érosion du volontariat ».
Chiffres à l’appui. Alors que, l’an passé, l’Ordre dénombrait cinquante-cinq départements à enregistrer au moins 80 % de volontaires aux tours de garde, ils ne sont plus que cinquante-deux au 1er janvier 2011. Corollaire, le nombre de départements qui souffrait déjà d’une pénurie importante de médecins participant à la permanence des soins lui augmente. Un phénomène qui ne concerne pas les seuls départements ruraux. Ainsi, les Hauts-de-Seine viennent de rejoindre cette année le Val d’Oise, l’Essonne, la Seine-et-Marne, le Val-de-Marne et les Alpes-Maritimes au rang des départements où seulement un généraliste sur cinq est volontaire pour effectuer les gardes (voir carte ).
Les raisons de cet effritement du volontariat ? «La démographie médicale déclinante et la reconnaissance encore insuffisante dans certains cas de la mission de service public qu’assurent pourtant les médecins qui « s’accrochent » répond François Simon, généraliste installé à St Renan dans le Finistère et président de la Commission nationale de la PDS (voir entretien).
Le mouvement de resectorisation est aussi à l’origine de certaines iniquités, qui expliquent peut-être l’abstention de certains confrères. L’an passé encore, les fusions de secteurs se sont poursuivies. Deux mille trois cent trente et un secteurs sont aujourd'hui recensés dans l’Hexagone. Soit une diminution de près d’un tiers depuis huit ans. Seulement ces quatre dernières années le pourcentage de baisse, logiquement, s’est essoufflé. Pour mémoire, rappelons que le paiement des astreintes du samedi après-midi est conditionné à un objectif chiffré de diminution du nombre de secteurs. Et si aujourd’hui, la PDS est organisée et financée le samedi après-midi dans plus de 80 % des départements, à l’arrivée, ce sont les généralistes des départements ruraux à géographie difficile qui font les frais du dispositif. Ainsi que le relève le Dr François Simon « pour ces derniers, comme c’est le cas dans le Tarn, l’Ariège ou les Vosges, qui continuent de participer et de s’investir de manière massive à la garde médicale, la PDS du samedi après-midi n’est pas indemnisée »…
Entre aberrations et satisfactions
Persistance d’aberrations, mais aussi motifs de satisfaction en 2010... Tout d’abord, les réquisitions, honnies, ont continué à diminuer sur le territoire. Sur le papier, pas de manière drastique certes, puisqu’elles se sont encore produites dans 28 départements, contre 29 en 2009. Mais, indique le rapport, dans ces 28 départements, elles n’auraient concerné l’an passé qu’un nombre infime de praticiens.
Ensuite, l’évolution, cette année encore, de la participation des médecins libéraux à la régulation médicale (97 % contre 96 % en 2009 et seulement 75 % il y a six ans !), confirme le succès de cette dernière auprès de la profession, qui compte aujourd’hui dans ses rangs un total de 2 316 médecins régulateurs libéraux. Enfin, les généralistes volontaires ont gagné en confort de travail. D’une part, le nombre de sites dévolus à la PDS a augmenté de 6 %, tandis que de façon concomitante, dans presque la moitié » des secteurs, la pds assurée par les libéraux s’arrête désormais à minuit. « Un processus qui s’étend lentement mais inexorablement sur le territoire », notent les auteurs de l’étude. Et qui aura concerné 22 nouveaux secteurs en 2010.
Si certains conseils départementaux , comme en Vendée ou dans le Jura, voient dans l’arrêt de la garde de nuit profonde « une évolution inéluctable pour pérenniser la permanence des soins », on relèvera l’expérience à contre-courant lancée par la Haute-Vienne. Alors que la garde de nuit profonde y était jusqu’ici assurée sur ses 28 secteurs, ils ne sont cette année plus que six effecteurs mobiles à couvrir l’ensemble du département de 24H à 8H. Et malgré la concertation qui a précédé la mise en place de ce dispositif original, l’expérimentation continue à diviser autant les élus locaux que les généralistes eux-mêmes. En effet, une partie de ces derniers redoute d’avoir à se déplacer sur des secteurs aussi étendus. D’autres y participent avec plus d’enthousiasme. On peut les comprendre. L’astreinte de nuit (20H-8H) est rémunérée 450 euros. Expérience à suivre donc.
En définitive, « 2010 aura été une année transitoire, en matière de PDS », analyse le Dr Simon. Car tous les acteurs de terrain ont désormais le regard rivé sur les choix que doivent faire cette année, les Agences régionales de santé, dans l’établissement de leur schéma régional d’organisation des soins. C’est aux ARS désormais que revient le pilotage de la pds. Mais qui sait, à la lecture de ce dernier état des lieux, les directeurs d’agences auront peut-être à cœur de trouver des idées pour enrayer l’érosion du volontariat ?
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