LE VIH est l'agent causal du sida, personne n'en doute. Mais il n'est pas le seul facteur qui influe sur le cours de la maladie : des facteurs génétiques et environnementaux sont capables de donner un rythme, une vitesse de progression à cette maladie.
C'est le cas du virus herpès humain 6 (HHV-6), un bêtavirus qui a été découvert au début de l'ère sida. Il existe sous la forme de deux variants, A et B, qui présentent des traits génétiques, immunologiques et épidémiologiques différents.
Certains indices cliniques et expérimentaux suggèrent que HHV-6A, qui est un virus à ADN cytopathique et T-lymphotropique, est un facteur promoteur de la progression vers le sida déclaré, en synergie avec le VIH-1.
En effet, les recherches in vitro ont montré que HHV-6A partage avec le VIH-1 un tropisme pour les lymphocytes T CD4+, qu'il tue en synergie avec le VIH-1. De plus, HHV-6A augmente la virulence et la pathogénicité du VIH-1 par plus d'un mécanisme : activation génétique, induction de l'expression de récepteurs CD4, induction de cytokines, facilitation de l'utilisation du récepteur CXCR4…
Singes à queue de cochon.
Pour mieux connaître le rôle du HHV-6A in vivo, des chercheurs de l'équipe du Pr Robert Gallo (Paolo Lusso et coll.) ont recherché les effets du HHV-6A sur la progression du sida chez des macaques ( Macaca nemestina, singes « à queue de cochon »).
«Nous avons expérimentalement coïnfecté des macaques par des HHV-6A et du SIV.» Ces animaux ont des lymphocytes T ayant une grande susceptibilité aux souches de HHV-6A, bien que ce virus soit humain.
Trois groupes de quatre singes ont été formés : groupe 1, par du SIV seul ; groupe 2 par du HHV-6A seul ; et groupe 3 par du SIV et du HHV-6A. Les animaux infectés par les deux virus ont d'abord été inoculés par du SIV, puis quatorze jours après par du HHV-6A. Aucun d'entre eux n'avait d'anticorps contre le HHV-6A auparavant. Ce qui veut dire que les animaux n'ont pas été infectés par un virus simien similaire, comme cela peut se produire chez d'autres espèces de singe. Le suivi a duré 32 mois.
Déplétion rapide des CD4 et des CD8.
L'inoculation du HHV-6A a entraîné l'apparition rapide d'une virémie associée à des manifestations cliniques transitoires, suivies par une séroconversion avec apparition d'anticorps, ce qui indique que cette espèce de primates est sensible à l'infection par le HHV-6A.
Les macaques infectés par le HHV-6A seul n'ont pas présenté de séquelles cliniques ou immunologiques. Tandis que ceux infectés par le SIV ont présenté une perte progressive des CD4.
«Toutefois, la progression vers un sida a été accélérée de manière très significative par la coïnfection avec le HHV-6A.» Un développement rapide de la maladie chez les animaux ayant les deux virus a été observé, avec en caractéristique une déplétion rapide des CD4 et des CD8.
L'étude a plusieurs intérêts. Elle montre que Macaca nemestina est un modèle fiable pour l'étude de l'infection par le HHV-6A. Ensuite, elle conforte l'hypothèse selon laquelle ce virus herpès pourrait être un cofacteur promoteur du sida chez les séropositifs. Toutefois, les différences de durée de vie entre les singes coïnfectés par les deux virus et ceux infectés par le seul SIV n'ont pas atteint un seuil significatif. Ce qui peut être attribué au nombre peu important de sujets étudiés. Un indice supplémentaire a conforté l'hypothèse de départ. Lorsqu'il y a eu une surinfection de deux animaux infectés à l'origine seulement par le virus herpès puis qui ont acquis un SIV, ils ont alors présenté une progression très rapide du sida. Parmi les agents opportunistes suspects d'accélérer une évolution péjorative, le HHV-6A est le seul à partager avec le VIH un tropisme primaire pour les CD4. Par ailleurs, le HHV-6A s'est révélé être un modulateur de la sécrétion de la chimiokine RANTES par le tissu lymphoïde. Or on sait que la résistance à ce facteur de contention du virus de l'immunodéficience constitue une voie d'accélération de la progression.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée sur le site.
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