De notre correspondante
à New York
AUCUN exemple d'interactions virales bénéfiques n'était connu jusqu'à présent au cours de l'infection par le VIH. Mais, de façon surprenante, plusieurs petites études avaient observé que les patients infectés par le VIH survivent plus longuement lorsqu'ils sont coïnfectés par le virus GB-C. Toutefois, d'autres études n'ont pas confirmé ce bénéfice.
Le virus GB de type C (VGB-C) est un virus à ARN proche de celui de l'hépatite C et initialement nommé à tort virus de « l'hépatite G » . Il ne semble causer aucune maladie chez l'homme, est relativement fréquent (de 1 à 5 % des donneurs de sang) et peut être transmis par les voies parentérale, sexuelle et verticalement. De 60 à 75 % des personnes immunocompétentes finissent par l'éliminer et développent des anticorps contre sa glycoprotéine de surface E2.
On sait aussi que le VGB-C se réplique dans les cellules T CD4+ et qu'il coïnfecte souvent les sujets infectés par le VIH. Enfin, in vitro, dans les lymphocytes, le VGB-C réduit la réplication du VIH.
Afin de résoudre la controverse sur la relation entre l'infection par le VGB-C et la progression du VIH, Williams et coll. ont analysé les données d'une étude évaluant longitudinalement plusieurs milliers d'homosexuels recrutés entre 1984 et 1990 (Multicenter AIDS Cohort Study).
Anticorps anti-E2.
Leur étude porte sur 271 participants devenus séropositifs au VIH, dont les échantillons sériques ont été recueillis avant l'ère de la thérapie antirétrovirale hautement active. Les investigateurs ont testé les échantillons sériques obtenus de douze à dix-huit mois après la séroconversion afin de déterminer la virémie VGB-C et la présence d'anticorps anti-E2. Ils ont également étudié les échantillons sériques obtenus cinq à six ans après la séroconversion dans un sous-groupe de 138 participants.
Le résultat de l'analyse est clair. La coïnfection persistante par le VGB-C est associée à une survie nettement prolongée. Ainsi, les hommes infectés par le VGB-C dans les 5 à 6 ans après la séroconversion ont un taux de survie bien plus élevé (75 % de survie à dix ans), par rapport à ceux indemnes du VGB-C (39 % de survie à dix ans), ou à ceux qui l'ont éliminé entre-temps (16 % de survie à dix ans). L'élimination de la virémie VGB-C est donc associée au plus mauvais pronostic (RR de décès presque sextuplé par rapport à une infection persistante).
La virémie VGB-C positive entre douze et dix-huit mois après la séroconversion VIH n'est pas associée à un avantage de survie. Cela pourrait expliquer les résultats contradictoires des précédentes études.
La négativation du VGB-C.
L'étude apporte des informations sur l'histoire naturelle du VGB-C chez les hommes infectés par le VIH. L'existence du VGB-C passée ou présente (anticorps anti-E2 ou virémie) est fréquente dans cette cohorte (85 %). La négativation du VGB-C est assez fréquente, survenant chez 9 % des sujets entre 1 et 6 ans après la séroconversion, elle ne s'accompagne pas en général du développement d'anticorps anti-E2.
Comme le soulignent les investigateurs, il n'est pas sûr que ces résultats s'appliquent aux femmes, aux patients sous antirétroviraux, ou bien encore aux sujets infectés par voie parentérale.
Il reste à savoir quel est le mécanisme de cette association. La persistance ou la négativation du VGB-C pourraient représenter des marqueurs d'autres facteurs de l'hôte ou du VIH qui influencent la progression de la maladie.
Le Pr Roger Pomerantz (centre de virologie humaine et de biodéfense, à l'université Thomas-Jefferson de Philadelphie), cosignataire d'un éditorial, offre plusieurs possibilités pour expliquer cet effet protecteur : réplication VIH réduite par le VGB-C ; profil cytokine plus protecteur (Th1) chez les patients doublement infectés. Le VGB-C pourrait aussi interférer avec l'entrée du VIH dans les cellules (en diminuant le corécepteur), et activer aussi certains types d'immunité innée.
Il sera donc important de mieux comprendre les interactions entre cex deux virus. Ce qui pourrait fournir de nouvelles approches thérapeutiques pour ralentir la progression du VIH.
« New England Journal of Medicine », 4 mars 2004, pp. 981 et 963.
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