DU VIRUS de l'hépatite E, on connaissait son risque de forme fulminante particulièrement grave chez les femmes enceintes puisqu'elle s'accompagne d'un taux de mortalité de 20 à 30 % (contre 1 % dans la population générale). Désormais, il faudra aussi prendre en compte le risque d'hépatite chronique et de cirrhose chez les sujets immunodéprimés. Une étude française, menée dans la région de Toulouse chez des sujets qui ont subi une transplantation, met en évidence pour la première fois une forme clinique de la maladie inconnue jusqu'à présent. «En raison du taux particulièrement élevé d'infections par le VHE dans notre région, nous avons procédé à un screening systématique des patients transplantés qui présentaient une majoration du taux des enzymes hépatiques», explique au « Quotidien » le Dr Nassim Kamar (CHU Rangueil, Toulouse).
Au total, sur les 217 patients testés entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006, 14 présentaient des signes d'infection par le VHE (ARN VHE) : 3 receveurs de greffe hépatique, 9 sujets qui avaient reçu une transplantation de rein et 2 patients qui avaient reçu une greffe rein-pancréas. Les auteurs ont analysé rétrospectivement les sérums des patients afin de déterminer si l'infection avait été récemment acquise ou si elle était en rapport avec la transplantation. Pour le Dr Kamar, «cette analyse permet de confirmer que tous les cas d'infection sont survenus à distance de la transplantation et ne sont donc pas en rapport avec le greffon».
Les auteurs rapportent aussi pour la première fois un passage à une forme chronique de l'infection pour 8 des patients (élévation persistante du taux de transaminases, présence d'ARN VHE dans le sérum et signes histologiques d'hépatite chronique à la biopsie hépatique). Parmi les facteurs de risque du passage à la forme chronique, les auteurs retiennent le délai depuis la transplantation et le taux sanguin des lymphocytes CD2, CD3, CD4 reflétant le degré d'immunosuppression.
«Depuis que cette publication a été soumise, explique au “Quotidien” le Dr Kamar, nous avons recensé de nouveaux cas d'infection par le virus de l'hépatiteE chez des sujets transplantés. Trois pistes thérapeutiques doivent désormais être envisagées. La première aurait pour objet de limiter l'immunodépression en modifiant les doses du traitement antirejet. La deuxième pourrait passer par la réalisation d'une vaccination qui induirait la production d'anticorps dirigés contre la capside du virus VHE. Ce type de vaccination a déjà fait l'objet d'études de phaseII chez l'homme, mais il est difficile de prédire son efficacité chez des sujets immunodéficients. Tout au plus, on pourrait imaginer que ce type de vaccination pourrait être utilisé au moment du bilan prégreffe. Enfin, la troisième voie serait celle d'un traitement antiviral. La ribavirine pourrait être utilisée de façon exclusive chez les sujets qui ont reçu une greffe de rein ou associée à de l'interféron chez les transplantés hépatiques.»
« N Engl J Med » 358 ; 8 : 811-817.
Un premier cas de cirrhose
Une équipe d'hépato-entérologues et de virologues de Marseille (René Gérolami et coll.) publie simultanément, dans la même revue, le premier cas de cirrhose en rapport avec une infection par le virus de l'hépatite E chez un patient greffé du rein. Le receveur de 52 ans avait été transplanté en mars 2005 et son taux de transaminases s'est élevé à partir du mois de juin 2006. Le diagnostic d'hépatite E a été posé un an plus tard et, en septembre 2007, la biopsie hépatique a confirmé l'existence d'une hépatite chronique active et d'une cirrhose.
« N Engl J Med » 358 ; 8 : 859-60.
Midi-Pyrénées, une région à haut risque
En France, la prévalence moyenne de l'infection par le virus de l'hépatite E est similaire à celle des autres pays européens (3,2 %). Mais, depuis 2004, l'équipe de virologie du Dr J.-M. Mansuy à l'hôpital Purpan de Toulouse rapporte des taux d'incidence particulièrement élevés dans la région Midi-Pyrénées. Un travail publié en février 2008 portant sur 539 donneurs de sang confirme la prévalence globale de 16,6 % des anticorps antihépatite E. Dans les zones rurales, cette prévalence s'établit à 19,1 % ce qui, pour les auteurs, pourrait traduire une transmission autochtone active dans cette région de la France.
« J Med Virol » 2008 feb ; 80 (2) : 289-293.
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