Des chercheurs du réseau des instituts Pasteur, en collaboration avec des praticiens hospitaliers de l’île de la Réunion, de Mayotte et des Seychelles, ont réussi à reconstituer la microévolution du virus du chikungunya au cours de l’épidémie qui vient de frapper les îles du sud-est de l’océan Indien.
Ces travaux fournissent de nombreuses informations sur l’origine et le déroulement de l’épidémie. Ils apportent en outre des données qui permettront peut-être de comprendre pourquoi et comment le virus a pu infecter autant de personnes en si peu de temps.
Schuffenecker et coll. ont séquencé la totalité du génome de six isolats viraux obtenus à partir de patients infectés sur différentes îles et à différents moments de l’épidémie. Les chercheurs ont en outre séquencé le gène E1 de 121 échantillons viraux supplémentaires.
La comparaison des séquences obtenues avec celles des souches déjà caractérisées en Afrique et en Asie indique que la souche virale à l’origine de l’épidémie est apparentée aux souches originaires d’Afrique de l’Est. Les éléments épidémiologiques disponibles suggèrent que cette souche est arrivée à la Réunion en mars 2005 via l’île des Comores. Cette souche aurait ensuite évolué pour donner différents variants parmi lesquels un variant détecté aux Seychelles en août 2005 et un variant détecté à la Réunion en novembre 2005. Sur les 127 échantillons de virus analysés, un seul a été obtenu à partir de liquide céphalo-rachidien. Son profil d’évolution est radicalement différent de celui des variants isolés dans le sang des malades.
Parmi les douzaines de mutations non silencieuses qui sont apparues au cours de l’épidémie, l’une des plus intéressantes touche la glycoprotéine de structure E1.
Une mutation d’adaptation du virus au moustique.
Cette mutation est totalement absente dans les isolats prélevés au début de l’épidémie, mais elle est présente dans 90 % des échantillons obtenus à la Réunion fin 2005. La modélisation en trois dimensions de la glycoprotéine mutante montre que cette mutation affecte la capacité du virus à fusionner avec les membranes de la cellule hôte et l’étape d’assemblage qui donne naissance aux nouveaux virions. Elle modifie donc significativement la physiologie du virus. Théoriquement, elle doit favoriser la survie et la multiplication du virus chez le moustique.
Il est donc possible que cette mutation soit indirectement responsable de l’ampleur qu’a prise l’épidémie entre la fin 2005 et début 2006 : cette adaptation du virus aux moustiques pourrait avoir favorisé sa dissémination et sa transmission à la population humaine.
Schuffenecker et coll., « PLoS Medicine », juillet 2006, vol. 3, n° 7, p 263.
Essai Nivaquine : c’est parti
Les Prs Antoine Flahault et Xavier de Lamballerie, responsables de la coordination des recherches sur le chikungunya, ont annoncé jeudi le lancement dans l’île de la Réunion de deux essais cliniques, destinés à évaluer l’efficacité de la Nivaquine (chloroquine) dans le traitement de l’infection par le virus du chikungunya. Les résultats sont attendus pour le troisième trimestre 2006. On se rappelle que la Nivaquine, antipaludéen commercialisé par sanofi-aventis, a démontré une efficacité in vitro lors de tests réalisés sur des cultures cellulaires. Pour l’instant, elle ne dispose pas d’indication dans le traitement de l’infection par le virus du chikungunya et ne doit donc pas être prescrite dans ce cadre en attendant les résultats des essais.
Les équipes médicales et scientifiques de sanofi-aventis apportent leur expertise aux équipes du CHU la Timone (Marseille) et de l’hôpital Saint-Antoine (Paris) pour la mise en oeuvre très rapide de ces deux essais. Ce laboratoire met aussi à disposition de l’AP-HM, promoteur des essais, des moyens logistiques et techniques.
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