DE NOTRE CORRESPONDANTE
DOTÉ DE seulement 9 gènes codant pour 15 protéines, le VIH1 prend possession du système immunitaire humain et l'exploite pour s'exprimer et se propager.
Mais puisque le virus a besoin d'exploiter certaines fonctions cellulaires de l'hôte pour l'infecter efficacement, une approche thérapeutique vise à cibler les protéines de l'hôte indispensables au cycle viral, également nommées facteurs de dépendance du VIH (ou FDV).
«Les médicaments antirétroviraux actuels font du bon travail pour garder les patients en vie, explique, dans un communiqué, le Pr Stephen Elledge, du département de génétique de la Harvard Medical School à Boston, qui a dirigé ce travail. Mais ces thérapies souffrent toutes du même problème, qui est le développement de la résistance. Aussi, nous avons décidé de suivre une approche complètement différente, qui consiste à cibler les protéines humaines exploitées par le virus. »
L'avantage de cette approche est qu'il serait fort difficile aux virus de développer une résistance à des médicaments ciblant les protéines cellulaires, car il leur faudrait développer également une nouvelle capacité, et pas simplement muter un site de fixation au médicament.
Un criblage génomique.
Au cours des deux dernières décennies, 36 facteurs de l'hôte requis pour l'infection par le VIH ont été identifiés, mais la liste était loin d'être exhaustive.
L'équipe du Pr Elledge a donc réalisé un criblage à l'échelle génomique afin d'identifier l'ensemble des facteurs de dépendance du VIH.
«C'est le premier criblage génomique des protéines humaines requises par le VIH», souligne le Dr Abraham Brass, premier signataire de ce travail publié dans « Science ». «Etant donné notre méthode, certaines protéines ont pu nous échapper, mais la majorité de celles trouvées ont de grandes chances de jouer un rôle dans la propagation du VIH. »
L'équipe a utilisé une librairie de petits ARN interférents (short interfering RNA, siRNA) qui ciblent des gènes humains spécifiques, chaque siRNA supprimant la capacité d'un gène à produire une protéine particulière.
Pour décrire grossièrement le procédé de criblage par interférence ARN, les petits ARN (siRNA) ont été placés sur des milliers de cellules humaines cultivées sur des plaques à puits. Un seul gène est ciblé dans chaque puits de cellules, autrement dit, chaque puits contient des cellules dépourvues d'une protéine particulière. Les cellules sont ensuite exposées au VIH. Si la réplication du VIH est inhibée dans un puits, cela suggère que la protéine manquante est requise pour la réplication.
Ce criblage a permis d'identifier 273 protéines humaines requises pour la réplication du VIH1, dont seulement 36 avaient été jusqu'ici impliquées dans le cycle du VIH1.
Ces protéines participent à une large gamme de fonctions cellulaires et mettent en lumière de nouvelles voies dans le cycle de réplication virale. Ainsi, par exemple, des analyses supplémentaires ont révélé le rôle jusque-là ignoré de deux protéines de transport rétrograde du Golgi (Rab6 et Vps53) dans l'entrée virale, le rôle d'une karyophérine (TNPO3) dans l'intégration virale et le rôle du complexe Médiateur (Med28) dans la transcription virale.
Les fonctions requises pour le cycle viral.
Les cellules immunes ciblées par le VIH contiennent de fortes concentrations de bon nombre des 273 protéines humaines. «Cela suggère que le virus évolue dans les cellules de l'hôte capables d'effectuer de façon optimale les fonctions requises pour leur cycle viral», notent les chercheurs.
«Nous nous approchons d'une compréhension du VIH à un niveau de systèmes», laisse entrevoir le Dr Elledge. «Nous pourrions peut-être être en mesure de modifier légèrement diverses parties du système afin de supprimer la propagation virale sans rendre malades nos propres cellules. »
« Science Express », 10 janvier 2008, Brass et coll.
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