« Ce travail est la plus large étude d'association génétique dans la SLA », indique au « Quotidien », le Pr Peter Carmeliet (université de Leuven, Belgique), qui a dirigé ces travaux avec une équipe internationale. « Elle montre pour la première fois que le VEGF est un acteur majeur dans la pathogenèse de la SLA. Plus de 6 % des patients atteints de SLA ont la maladie en raison de faibles taux de VEGF. Cela est important puisque, en comparaison, seulement 2 % des patients atteints de SLA doivent leur maladie à des mutations du gène SOD1. La différence, toutefois, est que les mutations du gène SOD1 causent la maladie, tandis que les variations du gène VEGF modifient la maladie », ajoute le Pr Carmeliet, dont l'étude est publiée dans « Nature Genetics ».
La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est caractérisée, on le sait, par une dégénérescence des motoneurones (moelle épinière, tronc cérébral et cortex moteur). Elle débute généralement au delà de 40 ans ; la faiblesse musculaire progresse vers la mort par insuffisance respiratoire, le plus souvent en trois à cinq ans.
De grandes différences individuelles
Toutefois, il existe de grandes différences individuelles quant à la présentation clinique (nature médullaire ou bulbaire), l'âge d'apparition (jeune ou très âgé) et le temps de survie (de quelques mois à vingt ans). Il existe donc des facteurs modificateurs, dont l'identification pourrait éclairer le processus de dégénérescence neuronale et déboucher sur des traitements.
La SLA est familiale dans 5 à 10 % des cas, et une forme autosomique dominante (SLA1) est causée par des mutations du gène SOD1 (superoxyde dismutase du Cu/Zn).
La SLA sporadique est probablement multifactorielle, influencée par des gènes modificateurs et des facteurs de l'environnement.
Lambrechts, Carmeliet et coll. ont maintenant découvert un gène modificateur, le gène du VEGF, facteur angiogénique bien connu.
Dans une précédente étude chez la souris, l'équipe avait montré qu'une subtile mutation introduite dans le promoteur du gène VEGF abaisse l'expression du VEGF et cause une dégénérescence du motoneurone, similaire à celle de la SLA.
Dans une métaanalyse portant sur près de 2 000 individus de Belgique, de Suède et d'Angleterre, les chercheurs ont maintenant découvert que de subtiles variations (SNP : polymorphismes d'un seul nucléotide) dans la séquence (promoteur et leader) du gène VEGF, abaissant les taux sanguins de VEGF, augmentent aussi le risque de SLA chez les humains. Les sujets homozygotes pour des haplotypes produisant peu de VEGF ont un risque presque doublé de SLA (risque accru de 1,8).
De plus, les investigateurs ont constaté que lorsque les souris mutées pour le gène SOD1 (modèle standard de la SLA) sont croisées avec les souris mutées exprimant peu de VEGF, les souris croisées décèdent plus tôt de la SLA, du fait d'une dégénérescence plus sévère du motoneurone.
Ils montrent aussi que les souris mutées exprimant peu de VEGF sont plus sensibles que les souris normales à un stress ischémique relativement mineur, développant une paralysie permanente après une ischémie transitoire de la moelle épinière alors que les souris normales ne développent que des symptômes passagers.
Enfin, l'administration de VEGF (injection intrapéritonéale) protège les souris normales d'une paralysie permanente par perte des motoneurones, dans une expérience d'ischémie transitoire prolongée de la moelle épinière. Ainsi, le traitement par le VEGF chez les souris stimule la survie du motoneurone stressé.
Cela soulève l'espoir qu'un traitement par VEGF au long cours pourrait retarder la survenue, ou ralentir la progression, de la dégénérescence du motoneurone chez les patients.
D'autres résultats sont attendus
« Nous tentons actuellement de voir si le VEGF peut être utilisé pour traiter la SLA dans les modèles de souris et du rat », confie au « Quotidien » le Pr Carmeliet, « et nous aurons les résultats finaux très prochainement ».
« Le traitement des patients atteints de SLA est l'objectif ultime. Dès que l'évidence sera fournie dans les modèles animaux précliniques, nous débuterons le plus tôt possible les études cliniques. »
« Nature Genetics », 7 juillet 2003, DOI : 10.1038/ng1211.
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