C’EST UN INFLÉCHISSEMENT notable de la stratégie de communication concernant l’état de santé des personnalités officielles hospitalisées en France. Le Service de santé des armées s’abstient de communiquer la moindre information. Même la question de savoir où le chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika a été admis reste sans réponse, le SSA renvoyant les journalistes sur le service de presse de l’ambassade d’Algérie à Paris. Certes, pour tous les observateurs, le numéro un algérien a naturellement rejoint l’HIA (hôpital d’instruction des Armées) du Val-de-Grâce, l’établissement où il avait été opéré en novembre dernier, officiellement pour un «ulcère hémorragique au niveau de l’estomac».
Le secret médical doit s’appliquer à tout patient.
A Alger, le ministre d’Etat Abdelaziz Belkadem a simplement signalé que le président devait subir un «contrôle postopératoire» qui se déroule «très certainement» dans cet établissement.
En choisissant de s’abstenir de toute communication, le ministère de la Défense, dont dépend le Val, a tiré, semble-t-il, les enseignements des polémiques qui font régulièrement suite à la diffusion de bulletins officiels sur la santé des personnalités. Rencontrant les journalistes il y a quelques semaines, le médecin-général François Eulry, directeur du Val-de-Grâce, avait expressément rappelé que le secret médical s’appliquait à tout patient, quel qu’il soit, et que ce secret ne pouvait être levé en aucun cas, fût-ce à la demande du patient. C’est cette stratégie du silence déontologique qui est désormais appliquée. Elle va à l’encontre de la publication par le SSA de bulletins de santé comme lors de l’hospitalisation de Jacques Chirac, en septembre 2005, à la suite, d’un «petit accident vasculaire cérébral».
De la même manière, c’était un officier du SSA qui avait donné lecture de bulletins de santé concernant Yasser Arafat à l’HIA Percy de Clamart (Hauts-de-Seine), où il avait été admis en novembre 2004. Le décès du président de l’Autorité palestinienne avait été annoncé à l’époque par le médecin-général Dominique Estripeau, alors chef du service de presse du SSA.
Changement de cap. Le Val devient donc « le grand muet » en application de règles déontologiques qui n’ont pas toujours prévalu. Des autorités ordinales étaient même montées l’an dernier au créneau pour exprimer des critiques publiques sur la confusion des genres entre prise en charge médicale, communication politique et subtilités diplomatiques. «Pour moi, avait estimé le Pr Jacques Roland, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, ces communiqués présentés comme médicaux, sont en fait des textes mis au point par le patient, ses proches, ses conseillers. Nous ne sommes plus dans la communication médicale, mais dans le filtrage d’informations d’origine politique.»
Au moins ce choix aura-t-il le mérite de la netteté, mettant à l’abri les médecins militaires de toute nouvelle polémique.
L’information n’en sortira pas pour autant gagnante. Dans le cas présent, tout porte à parier que les spéculations concernant l’état réel de santé du président algérien vont repartir de plus belle, dans son pays comme en France. Des spécialistes français, au vu des quelques informations qui circulent sous le manteau, évoquent l’hypothèse selon laquelle M. Bouteflika souffrirait d’un cancer de l’estomac, alors que les autorités algériennes écartent ce qu’elles appellent « pures spéculations ».
Le débat sur l’information autour de la santé des hommes d’Etat, en Algérie comme en France, est loin d’être clos.
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