QUE FAIRE lorsque la transmission du virus sauvage de la poliomyélite aura disparu dans le monde ? Il faudra probablement cesser d'utiliser le vaccin oral en raison du risque de voir les souches acquérir la neurovirulence et les caractéristiques des souches sauvages. La vaccination se fera alors avec un poliovirus inactivé, dont l'immunogénicité est mal documentée dans les pays en développement.
C'est pourquoi le Groupe cubain sur le vaccin par poliovirus inactivé (Cuba IPV Study Collaborative Group) a mis sur pied une étude de population auprès d'enfants nés à La Havane. Leur objectif : évaluer l'immunogénicité de ce vaccin, associé au calendrier vaccinal de ces tout-petits.
Avant de présenter les résultats, encourageants, de l'essai, il convient de préciser que le choix de Cuba n'est pas le fait du hasard.
En effet, aucun cas de poliomyélite n'a été répertorié sur l'île depuis 1963, ce qui laisse entendre qu'elle est indemne de virus circulant. De plus, le vaccin oral n'y est utilisé qu'au cours de campagnes vaccinales en février et en avril, ainsi aucun virus de la souche Sabin n'est retrouvé de juillet à janvier suivants.
A 6, 10 et 14 semaines.
Dans quatre maternités de La Havane, l'équipe a enrôlé 166 bébés répartis en deux groupes (A et B). Après tirage au sort, le groupe A a reçu une vaccination DTC-Hib et polio injectable à 6, 10 et 14 semaines. Le groupe B a reçu les mêmes vaccins, sauf la polio, aux mêmes âges. Un troisième groupe de 100 bébés, dits C, a bénéficié du même protocole que le groupe A, mais en deux injections à 8 et 16 semaines.
Les taux de séroconversion vis-à-vis des poliovirus de type 1, 2 et 3 ont été dans le groupe A, respectivement, de 94, 83 et 100 %. Aucune séroconversion n'a été relevée dans le groupe B. Quant au groupe C, les taux de séroconversion ont été de 90, 89 et 90 % pour les types 1, 2 et 3.
Les auteurs constatent un taux de séroconversion, pour le poliovirus de type 2, inférieur à 90 % au sein des deux groupes vaccinés. Ils attribuent cette moindre efficacité à la présence d'anticorps d'origine maternelle ayant interféré avec la séroconversion des enfants.
Afin d'évaluer l'efficacité du vaccin injectable sur l'excrétion intestinale, les nourrissons ont reçu par la suite une dose de vaccin polio oral. Des selles ont été prélevées 2-3 jours avant le test, puis 7 jours plus tard. Dans les trois groupes, les nourrissons ont excrété le virus dans les mêmes proportions (plus de 90 %), mais chez les bébés vaccinés (A et C), les titres viraux étaient plus faibles que dans le groupe témoin (B). De quoi confirmer que le vaccin injectable agit bien sur la réplication du poliovirus.
Un seul cas d'effet indésirable majeur est rapporté : un épisode d'hypotonie.
Si la vaccination par voie orale, avec la souche Sabin, n'est plus utilisée, concluent les auteurs, il sera nécessaire d'obtenir des taux de séroconversion élevés avec la voie injectable. Il n'y aura plus, en effet, d'immunisation indirecte par contact avec des souches Sabin qui auront disséminé secondairement. Leur travail confirme que deux ou trois doses vaccinales peuvent conduire à des taux dépassant 90 %, sauf pour le virus de type 2 (83 %, groupe A ; 89 %, groupe C).
« New England Journal of Medicine », vol. 356, n° 15, pp. 1536-1544, 12 avril 2007.
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