EN 2002, L'ÉLIMINATION de Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen avait curieusement conduit beaucoup de socialistes à penser que la gauche avait proposé un programme insuffisamment engagé à gauche, insuffisamment radical. Cette conclusion était inspirée par le score de l'extrême gauche au premier tour, pourtant bien inférieur à celui du seul Front national.
La tentation d'aller plus à gauche n'a pas disparu à ce jour. Elle a empoisonné la vie du Parti socialiste à l'époque du référendum sur le traité constitutionnel européen. Et Laurent Fabius, soucieux de capter un courant qu'il croyait en progression, eut avec le « non » l'un des succès de sa carrière. Dommage qu'il doive ce succès à une paralysie de l'UE qui dure encore.
Tout le monde « s'ouvre ».
L'élection présidentielle de 2007 a démontré d'une façon catégorique que l'électorat est en majorité ancré à droite. Ce fait, soutenu par les chiffres, devrait logiquement conduire le Parti socialiste à s'ouvrir vers le centre, ce que François Hollande a admis lundi dernier. On constate toutefois que le thème de l'ouverture commence à perdre sa signification dès lors que tout le monde « s'ouvre » : le Mouvement démocrate de M. Bayrou s'ouvre à gauche et Nicolas Sarkozy lui-même s'efforce d'ouvrir son gouvernement à gauche. Si, à son tour, la gauche s'ouvre vers la droite, on peut craindre que ne règne la confusion. On peut s'amuser de toutes ces ouvertures, mais elles traduisent bien la lassitude des Français face à l'engagement idéologique et au sectarisme.
Bien entendu, François Bayrou voit dans le chevauchement croissant des aires sociologiques couvertes par les partis la preuve même de la cohérence de son analyse. Mais cela ne démontre pas que le centre devient majoritaire ; cela indique que la gauche doit modifier son programme en profondeur et l'adapter aux données socio-économiques du XXIe siècle.
C'est pourquoi la discussion sur les qualités de candidate accordées ou refusées à Ségolène Royal est inutile : elle a été, objectivement et en moyenne, une très bonne candidate. Si elle n'a pas convaincu, c'est à cause du programme. Quand un parti politique parle de s'ouvrir, il ne s'agit pas de s'abandonner à un tropisme vers des terres nouvelles et fertiles, il s'agit de changer soi-même pour être compatible avec les autres. Le PS devait adopter un programme résolument inscrit dans le changement et le pragmatisme bien avant la campagne électorale. Il n'en a rien fait parce que François Hollande a voulu maintenir son unité. Mais le prix de l'unité a été la défaite politique.
Lundi, Dominique Strauss-Kahn, certainement exaspéré par des atermoiements qui prolongent la paralysie, s'en est pris assez vivement à François Hollande, en lui reprochant surtout de n'avoir pas procédé à une refondation du parti qui eût permis, selon lui, d'assurer une victoire à la gauche. Il est vrai que M. Hollande ne s'est pas privé, pendant la campagne, de faire des déclarations qui avaient le don de mettre Mme Royal en colère, et surtout celui d'inquiéter des électeurs confrontés au poids apparemment inébranlable de la certitude dogmatique, par exemple sur les revenus supérieurs à 4 000 euros. Il est donc vraisemblable que le Premier secrétaire n'est pas l'homme qui convient pour la refondation.
LA REFONDATION DU PS DEVIENT URGENTE.C'EST MEME UN PREALABLE AUX LEGISLATIVES
La dynamique est à droite.
Bien entendu, le PS ne risque pas d'être bouté hors des circonscriptions où il est profondément implanté. Mais il lui faut maintenant autre chose que les acquis qui l'ont fait vivre jusqu'à présent. Comment ne pas voir que la dynamique est du côté de M. Sarkozy, avec un gouvernement qui sera à lui seul un message au peuple et avec des projets rédigés, publiés et pour lesquels les moyens politiques et financiers de la mise en oeuvre ne manqueront pas ? La question est pourtant simple : les forces de l'opposition, pour autant qu'elles se réunissent, peuvent-elles contraindre Nicolas Sarkozy à nommer un gouvernement de cohabitation ?
Qui peut le croire quand les Verts s'apprêtent à présenter un candidat dans chaque circonscription, ce que compte faire aussi le Mouvement démocrate dont on peut dire qu'il se situe dans l'opposition ?
Tout ce que la gauche peut espérer, c'est un affaiblissement de la majorité sortante. Il est très probable, toutefois, que M. Sarkozy disposera d'une majorité absolue. Tout simplement parce que les Français ne commettront pas l'erreur d'élire un président pour le forcer aussitôt à cohabiter. Ce serait un désastre : une direction bicéphale du pays ne pourrait pas appliquer un plan suffisamment audacieux. Un tel gouvernement expédierait les affaires courantes. Ce n'est pas du tout ce dont la France a besoin.
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