NON SEULEMENT l’annonce de la plate-forme de Mme Royal n’aura pas eu l’effet escompté, mais on n’a pas vraiment l’impression que la campagne de la candidate socialiste soit plus cohérente et plus harmonieuse. Il ne se passe pas de jour sans couac. Le dernier en date est la tribune libre envoyée à notre confrère « la Croix » à l’occasion du sommet franco-africain qui s’est déroulé à Cannes à la fin de la semaine dernière et dans laquelle Mme Royal attaquait vivement la politique africaine de Jacques Chirac. Le quotidien n’avait pas encore publié ce texte que l’entourage de Mme Royal le désavouait en affirmant que l’article avait été envoyé « par erreur » et que la candidate n’avait pas eu le temps de l’« avaliser ». On aurait oublié ces pieux mensonges si, le lendemain, le PS n’avait tenu à dire qu’il ne trouvait rien de répréhensible dans le contenu de la tribune rédigée par Mme Royal et qu’il en approuvait tous les termes. Les électeurs socialistes ont dû se demander à quel moment de la campagne socialiste il fallait en saisir la substance.
La démission de Besson.
Jeudi matin, on apprenait, non sans surprise, qu’Eric Besson, secrétaire national du PS à l’économie, jospiniste bon teint mais très actif dans la campagne de Mme Royal, donnait sa démission. L’intéressé refusait d’en dire plus ; mais il ne fallait pas être grand clerc pour imaginer que le va-et-vient sur la politique africaine avait eu raison de ses meilleures dispositions. Les divers porte-parole de la campagne, notamment Jack Lang et Jean-Louis Bianco, s’empressaient alors de déclarer que M. Besson partait pour des raisons strictement personnelles ; M. Bianco est même allé jusqu’à affirmer que l’électorat se moque éperdument de cette « péripétie », ce qui n’est pas du tout gentil pour M. Besson. A Airaines, dans la Somme, Mme Royal ajoutait l’insulte à l’injure en minimisant l’importance de la démission de M. Besson et, s’adressant à la foule qui l’entourait, elle posait la question en riant : «Connaissez-vous M.Besson?» Elle n’a pas non plus prouvé son sens de l’à-propos quand elle a cru bon d’ajouter, au sujet de la démission : « Il faut de l’ordre juste au PS», au moment même où elle commentait l’effet d’un grave désordre. Dans cette manière méprisante de réduire un personnage à sa plus simple expression après lui avoir fait jouer un rôle de premier plan, il y a quelque chose d’inquiétant pour la suite.
C'EST LA PERCEPTION DES CHOSES ET DES GENS QUI DETERMINE L'ELECTEUR
Sollicitude.
Si on veut bien admettre que Mme Royal survivra sans peine au départ d’un collaborateur qu’elle n’aura pas de mal à remplacer, on est bien forcé, en observant ces curieux phénomènes, d’imaginer les causes qui les ont produits. Et on devine, encore une fois, que Mme Royal gagnerait à être elle-même, que, décidément, le parti est brouillon qui croit l’aider et torpille son image en la faisant apparaître comme une candidate incohérente et instable, et que ces épisodes peu glorieux servent la cause de ses adversaires.
Nicolas Sarkozy observe à ce sujet une sorte de neutralité discrète et néanmoins ravie, note qu’il faut regarder les épreuves des autres «avec humilité» et qu’il n’est jamais facile de faire campagne. Tant de sollicitude pour elle n’émeut guère sa rivale qui commence à perdre de sa sérénité apparente et lance au candidat de l’UMP des projectiles verbaux fortement inspirés de la sémantique de propagande. Il est vrai que M. Sarkozy, chaque fois qu’il a quelque chose de désagréable à dire, laisse parler ses amis.
Hésitations.
Mais le problème se situe moins dans le chaos apparent de la campagne socialiste que dans les hésitations de la candidate au sujet du fond : il y a eu certainement, au sein du parti, une bataille assez violente au sujet du chiffrage des propositions annoncées le 11 février par Ségolène Royal. Eric Besson se serait plaint, en particulier, de ce qu’on lui ait demandé de procéder au chiffrage et qu’on lui ait ensuite reproché de l’annoncer. Ou bien Mme Royal assume son programme et alors, pourquoi ne lui consacrerait-elle pas tout l’argent nécessaire ? Ou bien elle ne l’assume pas, et cela signifie qu’il sera encore remanié parce qu’elle n’est pas très sûre de ce qu’elle veut faire.
C’est une campagne qui cache des choses aux électeurs, non seulement sur le prix des propositions de Mme Royal, mais sur les impôts, qu’on va fortement augmenter sans l’annoncer, sur le retour à un socialisme moins complexé, à la Jospin, ou mieux à la Fabius, mais on ne veut pas effrayer la gauche modérée et le centre, sur une politique étrangère qui changera de cap, à propos de l’unité canadienne par exemple, ou à propos de nos relations avec les régimes africains, mais on ne veut indisposer personne.
La transparence sur ses intentions n’est-elle pas le premier devoir du candidat ? On dira que la transparence n’est pas nécessairement assurée du côté de M. Sarkozy. L’ennui est que l’opacité est moins visible à droite qu’à gauche : c’est la perception des gens et des choses qui détermine l’électeur. Depuis le jour où elle a triomphé de ses adversaires socialistes et a été intronisée, Ségolène Royal a perdu beaucoup de sa fraîcheur et de la légèreté avec laquelle elle semblait triompher des obstacles. Il ne semble pas que, après ces prises de position aussitôt corrigées par le parti, ces pas de clerc, ces bourdes, elle puisse retourner à son innocence originelle. C’est déjà trop tard : elle est dans la bagarre ; et le sentiment de perdre des points, quand il n’encourage pas au ressaisissement, peut conduire à la panique.
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