LE PRÉSIDENT DE L’UDF a toujours eu un projet séduisant, qui devrait convenir à tous les Français de bonne volonté : il veut en finir avec ce clivage gauche-droite de la société à l’heure où toutes les idéologies sont abandonnées et où les idéaux cèdent la place au pragmatisme ; il propose un gouvernement où il y aurait certes des centristes, mais aussi des ministres de gauche et de droite ; il compte appliquer un programme qui fera de l’équilibre des comptes publics et de la réduction de la dette son principal objectif ; il ne promet rien aux électeurs, sauf les mesures qu’il mettrait en place et ne seraient pas toutes agréables ; il a enfin une idée très claire de ce que serait son action.
Une réunion de talents.
Sa campagne n’en est pas moins ponctuée de quelques éclats, notamment quand il estime ne pas avoir l’audience qu’il mérite, et surtout quand il s’efforce de montrer en quoi il est différent et de la gauche et de la droite. La vigueur de ses critiques lui a fait beaucoup d’ennemis à droite. De sorte qu’à l’improbabilité de sa victoire s’ajouterait éventuellement la difficulté de réunir des hommes et des femmes qu’il aura étrillés pendant la campagne.
On devine néanmoins ce qu’il ferait : en dehors de ceux qui composent sa garde rapprochée, il appellerait les moins marquées des personnalités appartenant aux deux camps, des hommes comme Bernard Kouchner et Jean-Louis Borloo, et peut-être Bernard Tapie. Il y a effectivement en France des talents marginalisés par les appareils et il serait salutaire qu’ils soient pressentis pour gouverner. Ce serait merveilleux que des hommes et des femmes de droite et de gauche travaillent ensemble.
Un acte scélérat.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas porter M. Bayrou à la tête de l’Etat ? On ne dira pas ici qu’il faut voter pour lui dès lors qu’un journaliste prestigieux, Alain Duhamel, a été interdit d’antenne pour avoir dit en public (en novembre dernier !) qu’il donnerait son suffrage à François Bayrou. Le chef de l’UDF préparait sa riposte pendant le week-end, elle sera virulente. Cependant, on ne suit pas l’une de ses proches, Marielle de Sarnez, qui dit que les journalistes français ont le droit d’être pro-Royal ou pro-Sarkozy, mais pas celui d’être pro-Bayrou. Aucun journaliste ne dit pour qui il vote, mais aucun journaliste n’est taillé dans le marbre et si des sympathies pointent sous la cuirasse professionnelle, cela ne revient pas à soutenir un candidat contre un autre.
SI L'EXCELLENT DUHAMEL VOTE BAYROU, C'EST SUREMENT QUE BAYROU EN VAUT LA PEINE
Il demeure que France Télévisions et RTL, qui ont décidé de suspendre M. Duhamel, poussent les principes beaucoup trop loin ; d’abord, parce que l’indiscrétion commise par le journaliste serait restée du domaine confidentiel si des personnes mal intentionnées n’avaient filmé la scène et ne l’avaient diffusée sur Internet. M. Duhamel a donc été victime d’un acte scélérat. Mais, bien entendu, c’est lui qu’on châtie, sans égard pour la dimension qu’il a acquise dans la presse politique, ni pour sa notoriété, ni pour le talent et la compétence remarquables qu’il a apportés pendant quelques décennies à ces mêmes médias qui, sans autre forme de procès, le répudient aujourd’hui pour faire la démonstration de leur exceptionnelle rigueur.
Au sujet des conflits d’intérêt de toutes sortes qui fourmillent dans la société contemporaine, on se conduit désormais avec une pudibonderie, une bigoterie, une hypocrisie qui deviennent insupportables. Telle présentatrice de télé doit quitter l’antenne parce qu’elle est mariée à un ministre, telle autre va en faire autant parce qu’elle a une liaison avec un autre ministre. La « faute » de M. Duhamel est certes différente, mais enfin, il n’est pas monté sur un podium pour crier « Vive Bayrou ! ». A moins qu’on le croie capable de faire basculer un million de suffrages en faveur du candidat centriste.
Il ne viendrait pas à l’idée de RTL et de France 2 qu’ils doivent aussi respecter les convictions et la liberté d’expression de leurs collaborateurs. Leur sanction est excessive, prise dans la peur d’une réaction des partis politiques et du gouvernement ; un peu de courage, messieurs ! Il en faut moins, apparemment, pour traiter un grand journaliste avec un minimum de respect que pour tenir tête aux groupes de pression.
Il est vrai que si l’excellent Duhamel vote pour Bayrou, c’est forcément que Bayrou est un candidat respectable. Ce qui ne veut pas dire qu’il va l’emporter, comme il ne cesse de l’affirmer. Mais il est tout à fait vraisemblable qu’il arrive troisième au premier tour, devant Jean-Marie Le Pen ; contrairement à ce qu’affirme François Hollande, qui feint de négliger la menace centriste et continue à prétendre que le danger vient de l’extrême droite.
La plupart des journaux se demandent « jusqu’où ira Bayrou ? ». On peut répondre à cette question : si la campagne socialiste ne devient pas plus cohérente dans les jours qui viennent, Bayrou ira jusqu’à la deuxième place au premier tour. Et alors, il est vrai, on verra apparaître des millions de Duhamel.
Mais cela s’appelle tirer un plan sur la comète. Nous n’en sommes pas là.
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